La rame 325
du TGV Atlantique
La rame 325 du TGV Atlantique
Transcription :
Cette rame du TGV Atlantique a à son actif deux records du monde de vitesse sur rail. Le plus connu est celui du 18 mai 1990 alors qu'elle a atteint 515,3 km/h, mais un autre l'avait précédé de quelques mois, il y a tout juste 35 ans, c'était le 5 décembre 1989, jour où elle avait enregistré une pointe à 482,4 km/h. Désormais, elle est exposée à la Cité du Train de Mulhouse, où une équipe de bénévoles veille sur elle.
La passion du train, je l'ai toujours eu. Comme beaucoup d'amateurs ça a commencé quand j'avais trois ans.
Jean Willemin, en fait partie, c'est un ancien conducteur qui a pris sa retraite il y a déjà quelques années. Il entretient avec cette machine un lien particulier.
La cérémonie de mon départ en retraite, je l'ai faite avec cette rame, cette motrice ...
Par certains côtés, sa carrière a été un peu particulière…
J'ai été payé pour faire toutes les bêtises qu'un conducteur n'a pas le droit de faire...
Il va nous expliquer pourquoi dans ce nouveau numéro, bonjour et bienvenue dans Aiguillages !
Au cours de cette rencontre Jean Willemin, va vous résumer brièvement sa carrière à la SNCF, vous raconter ses premiers pas aux commandes du TGV Atlantique avant même de sa mise en service officielle, et son arrivée à la Cité du Train, après quoi on ira observer de plus près la rame 325 qui est présentée dans une configuration telle qu'elle révèle des détails techniques invisibles aux yeux des passagers ordinaires. La passion du train je l'ai toujours eu. Comme beaucoup d'amateurs ça a commencé quand j'avais trois ans, quand mon grand père n’emmenait voir le dépôt de Dôle dans le Jura, où il y avait beaucoup de machines à vapeur... mais autrement ma carrière, je l'ai commencée en 64 à Chambéry. J'étais dans la filière administrative jusqu'en 72 où j'étais à Dijon. Et là je suis parti à Bordeaux en 72. Et c'est là que j'ai fait le stage de conduite. J'ai fait une carrière de conducteur. Alors des trains de marchandises au début des omnibus, comme on appelait ça à l'époque. Et puis, petit à petit, je suis monté dans des trains plus rapides. A un moment, je faisais les trains à 200 à l'heure entre Paris, Bordeaux, l'Etendard, l'Aquitaine, enfin tout ces trains là. Et puis ensuite est arrivé le TGV. Alors TGV Atlantique en 89 sur la branche Bretagne et en 90 sur la branche Aquitaine. Alors en 89/90, j'ai fait partir des conducteurs d'essai qui étaient détachés à Paris et qui faisaient les mises au point, en particulier de la circulation à deux rames ensembles. Des essais de validation, des validations de rames neuves, un petit peu tout ça... Et puis à titre... un petit clin d'œil, je suis parti en retraite le 1ᵉʳ octobre 94 et la cérémonie de mon dernier train je l'ai faite avec cette rame, cette motrice. Je m'intéresse toujours aux chemins de fer. Je suis venu habiter en Alsace, à Colmar et j'ai regardé avec attention la Cité du train train. Je suis venu et puis j'ai rejoint le groupe des bénévoles, ce qui me permet de vivre un petit peu le chemin de fer que j'ai bien connu.
Alors là, on est dans un espace de la Cité du train qui s'appelle le Panorama, qui évolue régulièrement et qui vient d'évoluer, donc avec une nouvelle présentation ?
Régulièrement, oui ! Là, ça commençait... parce que le problème des gens qui viennent régulièrement, quand ils voient toujours la même chose, c'est figé, on voudrait pas que ce soit trop figé. Alors là, il y a un projet... on vient de remanier complètement. Il y a des engins qui étaient exposés, qui sont partis à la réserve ou sur les voies de service et inversement, on en a mis d'autres des plus attrayants, plus significatifs. On a une superbe voiture-lit. Elle est d'autant plus intéressante qu'elle est magnifique. Et puis surtout que les trains de nuit en France, n'est pas forcément à l'ordre du jour, contrairement à ce qui se passe en Europe, en Suisse, en Allemagne, les Autrichiens étant les premiers pour les trains de nuit.
Et la rame 325 ? ça fait pas très longtemps qu'elle est là ?
Alors la rame 325, non, elle est arrivée ici il y a deux ans, deux ou trois ans à peu près et on a récupéré. Et enfin on a gardé qu'une partie ! La motrice unee t la première remorque, la remorque, une. Alors c'est déjà intéressant au point de vue pédagogie, il y a beaucoup de choses à voir et à apprendre sur là, sur la conception, sur la construction, sur le système TGV, de rame articulée. C'est très intéressant.
Et cette rame 325, elle a une histoire très particulière !
Oui, son histoire particulière ca s'est passé en décembre 89 où il y a eu un premier reccord à 482,4 kilomètres/h, suivi après du vrai record, enfin du record à 515,3 kilomètres/Mh le 18 mai 90. Alors il faut savoir que cette rame n'a pas circulée comme une rame normale pendant les essais... ce record en particulier. Elle avait une composition réduite. Le minimum technique qui soit envisageable, c'est à dire trois remorques entre les deux motrices. Alors bien sûr, il y avait d'autres modifications. Les rapports d'engrenage qui étaient changé, le diamètre des roues qui était augmenté, le transformateur modifié parce que la tension à la caténaire qui est normalement à 25 000 volts était portée à 29 000 volts. Alors c'était quand même des conditions... Alors en plus ça partait de Dangeau et ça allait sur le site de Vendôme. Le site de Vendôme, c'est qu'après il y a un trou ! Et c'est au fond du trou au kilomètre 166.800 qu'a été constaté le record.
Alors, vous parliez de caractéristiques intéressantes qu'on pouvait comprendre. Vous pourriez nous montrer un petit peu ça sur sur la machine ?
Bon, il faut savoir, on le voit pas devant parce qu'il y a des trappes, mais il y a un attelage automatique. Ce n'est pas l'attelage classique comme autrefois avec tendeurs, manilles, etc. Parce que c'est indéformable. Par contre, on peut en mettre deux ensembles. Alors c'est ce qu'on appelle la circulation en Unité Multiples, les quatre motrices dans ce cas là, fonctionnent simultanément, répondent aux mêmes ordres d'un seul conducteur qui est placé en tête dans la cabine de tête.
Ce qui fait une belle rame, en terme de longueur ?
Ha ben, ça fait 250 mètres ! Parce-que le TGV Atlantique a une curiosité par rapport aux autres TGV, c'est qu'il comportait, enfin, il comporte encore dix remorques alors que les autres TGV, les Duplex, les Réseaux, etc. ont une composition que de huit remorques. Alors les deux bogies moteurs, contrairement au sud-est, sur le TGV sud-est, le premier bogie de la remorque est moteur, ce qui n'est pas le cas ici. C'est un simple bogie porteur. Alors là il y a une courbe de faible rayon, on ne voit pas très bien, mais de l'autre côté, on voit bien. Alors la remorque, c'est un peu standard... une petite curiosité, c'est que la rame est baptisée, comme beaucoup de rames l'ont été, aux armes de la ville de Vendôme. Et le blason ne se trouve pas sur la motrice mais sur la première remorque et la dernière, la une et la huit. Alors là, on arrive à une partie extrêmement intéressante sur le principe des rames articulées. Il y a un bogie commun à deux deux remorques, c'est à dire que la remorque ici elle s'appuie sur ce bogie et la R2 qui est normalement là vient également s'appuyer.
Alors il y a un système d'anneaux d'inter-circulation. Elle vient s'accrocher dessus, et c'est ce qui fait, ces rames indéformables, qui a permis... Il y a eu des accidents, enfin des déraillements, il y en a eu un en particulier sur le réseau Nord il y a quelques temps où la voie s'était dérobée suite à des des anciennes tranchées qu'il y avait dans le sous sol, enfin des accidents géologiques. Et la rame roulait à 300 à l'heure. Le gars a bien sûr freiné d'urgence, elle a légèrement déraillé, mais elle est restée en alignement. Pourquoi elle est restée en alignement ? Justement de grâce à ce système ! Malheureusement, en Allemagne, la catastrophe de Schedde où c'est un ICE qui lui n'a pas du tout cette technologie, c'est que des voitures normales avec des boggies. Il y a une roue qui s'est cassée et ça a provoqué le déraillement et en plus il y avait un pont et les voitures se sont enchevêtrées sur le pont. Il y a eu 100 morts. Avec une technologie TGV, on aurait eu moins de victimes certainement. En plus, ils utilisent le type de roues à bandage rapporté et c'est ça qui a cédé. Alors que nous, on a que des roues monoblocs. C'est à dire que c'est un ensemble. La roue c'est un ensemble, il y a rien de rapporté, il n'y a pas de rapporté. Alors c'est intéressant, c'est de voir le freinage, le freinage des TGV est réaliser par différents moyens. Pour les petits ralentissements, les choses très simples c'est uniquement le freinage électrique des motrices par le système de réversibilité. C'est à dire que les moteurs poussés par l'inertie, produisent du courant électrique. Alors il y a différentes techniques pour provoquer et accentuer ce freinage : soit faire du freinage rhéostatique, c'est à dire qu'on envoie l'électricité produite par ces moteurs sur des résistances et là ça ralentit. Ou alors il y a la solution, mais ce n'est pas le cas, La solution de freinage par récupération : on envoie ce courant dans la caténaire et c'est récupéré par les sous-stations. Alors ensuite, il y a un freinage pneumatique qui est applicable sur toute la rame. C'est à air comprimé, c'est un système, contrairement aux voitures, pour freiner, il ne faut pas augmenter la pression, il faut au contraire la diminuer.
C'est une sécurité parce que si y une rupture de conduite générale, c'est à dire l'alimentation de la conduite de frein, ça provoquerait l'arrêt. Alors sur les remorques, bien le freinage est constitué par des disques. Ce sont ces fameux gros disques sur lesquels s'appuient des plaquettes. Ça, c'est extrêmement intéressant à voir. Alors, selon les circonstances, il peut y avoir le freinage plus pneumatique, le freinage électrique, le combiné, c'est à dire l'ensemble.
Et puis dans les cas graves, les arrêts d'urgence c'est tous les freinage qui s'ouvrent, qui sont sollicités. Il faut quand même... un TGV à 300 kilomètres heure pour s'arrêter en urgence, il faut quand même 2900 mètres à peu près. Enfin ça dépend des types de TGV. Sur l'Atlantique, j'ai procédé à des démarches de validation. J'allais chercher des rames chez Alstom. Je les validais. J'étais payé pour faire toutes les bêtises qu'un conducteur n'a pas le droit de faire pour s'assurer justement que toutes les sécurités fonctionnaient. A un endroit où on ne doit pas dépasser telle vitesse, si on la dépassait, ça déclenchait... Exprès, je passais 16 kilomètres/heure au dessus de la vitesse limite, ce qui provoquait l'ouverture des disjoncteurs et l'arrêt d'urgence de la rame. Et c'est là qu'on mesurait... le cahier des charges prévoyait qu'il fallait au moins 2850 ou 2900 mètres. Donc ça varie selon les modèles. Pour les TGV modernes, les Duplex qui vont beaucoup plus vite ils vont à 320, les distances sont peut-être un petit peu supérieures. C'est à la fois beaucoup et pas beaucoup. Au point de vue sécurité, ça peut paraître beaucoup, au point de vue technique, c'est une performance. Parce que quand on voit le point de tangence de la roue sur le rail, on ne peut pas tellement le voir ici, mais il y a quand on a la chance de pouvoir voir ça, c'est infime ! C'est même pas quelques centimètres. De l'acier sur de l'acier, l'adhérence n'est quand même pas la meilleure. Alors le fait qu'il y ait moins de résistance au roulement ça permet les performances, mais au point de vue freinage, ça limite. Mais ceci dit le TGV il a ce qu'on appelle l'ABS sur les voitures. Il a des systèmes d'anti-enrayage, d'anti-blocage, enfin tout ça ! Alors comme l'ABS, ça ne réduit pas les distances de freinage. Par contre, ça les garanti. C'est là, la différence. Il faut bien savoir ça ! En voiture, c'est pas parce qu'on a l'ABS qu'on va freiner partout !
Pour qu'on comprenne bien le principe de comment les disques fonctionnent... Ils sont solidaires de l'essieu qui tourne et donc ce sont les plaquettes là qui viennent serrer.
Oui ! quant le train roule, l'essieu tourne, il va dans le sens de la marche. Quand un freinage est commandé, eh bien, à ce moment là, les mâchoires qui comportent les plaquettes appuient plus ou moins sur le disque. Elles provoquent l'effort de retenue.
En service commercial, là c'est une porte qui permet d'accéder à l'autre voiture, tous les gens qui sont passés là ne se rendaient pas compte de ce qui se passait. Mais alors il y a un confort supplémentaire puisque selon l'expression d'autrefois, on est pas assis sur le roues, sauf l’extrémité là mais autrement oui, c'est quand même plus confortable, silencieux... ça a été retenu d'ailleurs pour le prochain TGV, le TGV M, à ce niveau là, ce sera la même chose.
Le principe reste le même !
Ce sera moins sophistiqué au niveau de l'appui des deux remorques.
Chaque motrice ou remorque étaient reliées par des câbles électriques importants, des canalisations pneumatiques. Alors on va... Pour l'instant, il n'y a rien de fait, mais on va essayer, justement sur cette partie qui est très intéressant parce qu'elle montre justement que ce sont des tampons classiques entre la motrice et la rame. Alors justement, c'est ces câblo électriques qu'il est question de relier. Au dessus on le mettra peut-être, c'est fictif, ça ne sera pas fonctionnel parce on n'a pas de haute tension ici. Heureusement d'ailleurs. Au dessus, il y a ce qu'on appelle la ligne de toiture. C'est une ligne électrique qui relie les deux motrices. C'est celle qui permet en situation normale, un TGV circule sous le courant monophasé dans les lignes à grande vitesse. Il n'utilise qu'un seul pantographe, le pantographe arrière de la rame. La motrice devant est alimenté par cette ligne de toiture, ce qui permet, en cas d'avarie du pantographe, d'inverser, de capter avec le pantographe avant et d'alimenter la motrice arrière.
Et il y a la raison au choix systématique du pantographe arrière puisque les deux fonctionnent ?
Oui, c'est vraiment, s'il y a un incident qui s'arrache et qui va là derrière surtout sur les locomotives. Il risquerait d'abîmer le pantographe arrière. Alors on se garde en bon état le pantographe avant. Mais on peut circuler en secours. Il n'y a pas de restriction de vitesse. Donc la ligne de toiture au dessus les câblos... Au niveau de l'attelage, alors ça, on va voir si on peut atteler parce que le problème c'est que là, l'ensemble stationne sur une courbe de faible rayon. On voit bien d'ailleurs les tampons sont jointifs là bas, alors que là ils sont difficiles à comprimer. L'idéal, ce serait de mettre l'attelage et les plates formes. Et puis les accouplements de conduite générale et de conduite principale. Qui restent les fondamentaux de tous les trains. Enfin, à part les matériels modernes. Mais surtout les trains de voyageurs, ont une conduite générale, et tous les trains de voyageurs, ont une conduite principale. Enfin, la plupart, c'est une condition pour pouvoir circuler d'ailleurs.
Vous ne regrettez pas de ne plus être en activité pour pouvoir le tester ou le conduire ?
Oh non, mais j'en ai bien profité parce que j'étais conducteur d'essais. J'ai vécu des situations que beaucoup de mes collègues n'ont connues et pour un passionné comme moi... Je me suis fait plaisir, j'ai bien apprécié. Parce que j'ai pas fait que des TGV. Justement ces plaquettes de frein à disque, elles ont été testées en 1988 dans les Landes sur deux TGV Sud-Est qui avaient été modifiés pour tester justement les plaquettes du TGV Atlantique. Et en plus il y avait des essais de captage du courant dans la caténaire. Et pour dégrader la situation, moi circulait avant le TGV, devant avec une rame Grand Confort avec une 6500 pour chauffer un peu la caténaire. Je roulais à 200 l'heure alors que 160 sur la ligne. Non non, je me suis bien fait plaisir. Je continue, je fais des photos en Suisse, en Allemagne, en particulier en Suisse, c'est un pays merveilleux béni des ferrovipathes ! J'ai gardé de contacts, mais monté en cabine de conduite maintenant c'est interdit, c'est plus comme de mon temps. Enfin c'était interdit aussi, mais c'était moins strict, un peu moins rigoureux. Maintenant, c'est un délit qui est passible de peine de prison et d'amende, donc c'est plus du tout la même chose ! Mais en plus, le plaisir... les matériels très modernes, les Régiolis, les machins comme ça, c'est bien, mais on est assis, on a de moins en moins l'impression de vitesse, d'effort, de bruit du moteur qu'on avait avant. J'ai conduit des trains de voyageurs avec des 9200 ou 6500 c'était quand même un autre travail. C'est ce que je regrette le plus. Mais enfin les choses passent, chacun à son époque. Et puis je reste toujours un ami des chemins de fer !
Le musée
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