Qui fait quoi ?

Sur le rail français ?

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Qui fait quoi ? Sur le rail français ?

Transcription :

TGV Inoui ou Ouigo, Thalys, Eurostar, TER, Transilien, Intercité, Ouigo Train Classique, et j'en oublie certainement, SNCF, TrainItalia, RENFE, il faut bien l'avouer, pour le voyageur prendre le train aujourd'hui ne ressemble plus tout à fait à l'expérience vécue quelques années en arrière seulement et sans vouloir vous affoler, cela ne devrait pas aller en s'arrangeant avec l'arrivée prochaine annoncée de nouveaux entrants sur le marché du transport ferroviaire Français. Tout cela est la conséquence de réformes voulues de longues dates qui ont d'abord affectées le transport de marchandises par le rail, mais dont les première conséquences commencent à être bien visibles et ressenties par les voyageurs qu'ils soient occasionnels ou réguliers, qu'il s'agisse pour eux de partir en week-end, ou en vacances, ou d'aller travailler en prenant le train. Le paysage ferroviaire français, vous n'aurez pas manqué de le remarquer, est en pleine ébullition.

Pour le meilleur selon les uns, le pire pour les autres, je ne vais pas chercher à trancher le débat aujourd'hui, simplement essayer de vous aider à y voir plus clair. Mieux connaître, mieux comprendre et pourquoi pas finir par vous faire aimer le train c'est quand même après tout un peu la vocation de cette chaîne, alors bonjour et bienvenue dans Aiguillages !

Il y a tant à dire sur le sujet, que je vais me contenter dans ce numéro de vous parler du transport de voyageurs, il y a déjà eu sur cette chaîne et il y aura dans les prochaines semaines d'autres reportages consacrés à celui des marchandises, que l'on appelle désormais fret. Jusqu'à récemment les choses étaient relativement simples en France. Il existait une seule entreprise, la SNCF Société Nationale des Chemins de Fer Français qui été créée le 1er janvier 1938 pour reprendre les activités de tout un ensemble de plus ou moins grosses entreprises privées a peu près toutes en grandes difficultés financières, mais qui avaient eu le mérite de construire la plupart des infrastructures ferroviaires sur lesquels les trains hexagonaux roulent encore de nos jours. Cette nouvelle entreprise a peine créée doit par conséquent absorber une énorme dette, mais même si sa rentabilité importe peu, puisqu'il s'agit d'un service public, financé par l'Etat, celui-ci se souci tout de même de cette situation et décide de la fermeture de très nombreuses lignes jugées économiquement non rentables, dans un contexte de forte concurrence avec la route. Dans les années 80, c'est la grande vitesse qui sauvera le train, comme je vous l'ai raconté dans la série de vidéos consacrées à la petite histoire du TGV, mais le développement de ce nouveau réseau se fera au prix du creusement du déficit supporté par l'entreprise publique et au détriment de l'entretient des lignes secondaires. La nouvelle décennie qui s'ouvre alors marque la fin de la période qui s'était ouverte avec l'après-guerre et que l'on a appelé les 30 glorieuses. On entre alors dans une nouvelle ère marquée par des crises économiques qui se succèdent les une après les autres. C'est dans ce contexte que l'Union Européenne est créée sur les bases du Traité de Maastricht en 1992. Les 27 pays qui l'a constituent s'engagent à une plus grande coopération dans tous les domaines, mais surtout à la limitation de leurs dettes respectives. Pour y parvenir ils se lancent dans une politique de réformes de tous les secteurs d'activité organisés autour de services publics et dans leur mise en concurrence espérant ainsi en limiter les coûts de fonctionnement.

Dans le domaine ferroviaire en France, cela aboutit à la réforme de la SNCF et à l'arrivée de nouveaux opérateurs.

La SNCF n'est désormais plus une entreprise de service public, mais un groupe commercial qui doit veiller à équilibrer ses comptes et idéalement gagner de l'argent pour pouvoir continuer à investir dans le développement de ses activités. Pour faire simple ce groupe est constitué d'une maison mère qui contrôle directement 5 filiales :

SNCF Réseau qui est chargée de l'entretien et du développement du réseau ferré national, les rails, les postes d'aiguillage, mais aussi les gares au travers de sa filiale SNCF Gares et Connexions.
Rails Logistics Europe qui chapeaute les activités de fret et de logistique du groupe

SNCF Voyageurs qui assure la circulation des TGV qu'ils soient Inoui ou Ouigo, Eurostar, Thalys, ou Lyria, des Intercités, des Transilien et des TER.

Géodis qui offre des solutions de transport de fret et de logistique par les airs, la mer et la route.
Et Kéolis qui gère des réseaux de trains à l'échelle urbaine ou régionale, mais aussi de bus, de tramways et de métro.

Il en résulte que le groupe SNCF n'est plus qu'un prestataire parmi d'autres qui propose toute une gamme de services à différents clients potentiels et qui parfois a même toute liberté pour agir sur un marché totalement ouvert à la concurrence. Ce que l'on appelle l'Open Access.

C'est le cas dans le domaine des Trains à Grande Vitesse qui ne sont plus considérés comme un service public. Ces liaisons là ne font par conséquent l'objet d'aucune subvention de la part de l'Etat ou d'une quelconque collectivité publique. Moyennant le paiement d'une redevance, SNCF Réseau donne accès aux lignes à grande vitesse dont il a la charge à toute entreprise qui en fait la demande ayant obtenu au préalable les agréments nécessaires pour pouvoir y rouler. La SNCF met par conséquent en service sur ces lignes là ses TGV qui sont et de loin très majoritairement les trains que l'on y croise. Parmi eux on distingue les TGV Inoui qui représentent le service le plus haut de gamme proposé par l'entreprise nationale, et OuiGo, qui à contrario est une offre de base mais à bas coût. Sur la liaison à grande vitesse Paris-Lyon, la SNCF est désormais en concurrence avec Trenitalia qui y fait circuler ses Frecciarossa. Depuis cet été, les AVE trains à grande vitesse de la RENFE l'entreprise nationale espagnole empruntent régulièrement des portions des LGV Rhône-Alpes, et Méditerranée, ainsi que l'intégralité de la ligne à Grande Vitesse reliant Perpignan à Fuigueras. A l'étranger, les TGV Inoui pénètrent depuis Paris en Allemagne, au Luxembourg, en Espagne et en Italie. SNCF-Voyageurs exploite via sa filiale Ouigo España à l'intérieur de l'Espagne plusieurs liaisons à grande vitesse, calquées sur le modèle du Ouigo français, mais adapté aux spécificités du pays. Les TGV qui y circulent comprennent ainsi un bar et une voiture de première classe, deux services qui n'existent pas dans les Ouigo circulant en France. SNCF Voyageurs est également actionnaire majoritaire de la société Eurostar qui regroupe désormais les marques Eurostar et Thalys pour exploiter des Trains à Grande Vitesse vers Londres, Amsterdam, Bruxelles et Cologne et de la société Lyria qui fait circuler des Trains à Grande Vitesse vers la Suisse. Côté entreprises étrangères on prête à TrenItalia le projet d'établir une relation entre Paris, Bruxelles et Amsterdam qui viendrait directement concurrencer les Eurostar qui officient depuis de nombreuses années sur ces relations via la LGV Nord et même un Paris-Berlin que la SNCF a également en projet, quand à la RENFE, l'entreprise Espagnole a aussi en point de mire la relation Paris-Lyon.

Comme vous l'avez certainement remarqué la concurrence à ce niveau là ne se joue qu'entre des entreprises nationales déjà établies et issues d'anciens monopoles, mais cela pourrait prochainement changer.

Deux entreprises entièrement nouvelles ont en effet été constituées avec pour objectif de rouler sur le réseau de lignes à grande vitesse français. Il s'agit de Kevin Speed et de Le Train.
La première souhaite proposer des rotations nombreuses entre des gares séparées par de moyennes distances, avec un prix très agressif autour de 3 euros les 100 km. Les dessertes visées seraient du moins pour commencer, Tours, Vendôme et Reims, au départ de la capitale. Le matériel roulant envisagé n'est pas à ce jour connu, il s'agirait peut-être de l'AGV d'Alstom, parce-que la seule précision que l'entreprise a apporté, c'est qu'elle souhaitait des rames courtes à motorisation répartie. Quand à la seconde, son projet est centré sur le sud-ouest de la France. Elle souhaite proposer des liaisons entre des villes desservies par des TGV mais qui supposent un passage par Paris. Elle compte par exemple permettre de rallier directement Nantes, Tours et Rennes, à Bordeaux. L'entreprise a annoncé avoir passé commande à Talgo de 10 rames de type Avril.

Deuxième type de marché sur lequel SNCF-Voyageurs est très présente mais pourra se trouver concurrencée dans un futur très proche, celui des Trains Express Régionaux.

Le modèle économique en vigueur ici est très différent du précédent. Il s'agit d'une délégation de service public, dont les régions sont l'autorité organisatrice. En clair, les conseils régionaux ont dans leurs attributions l'organisation des transports ferroviaires sur leur territoire. Ils définissent pour cela une enveloppe budgétaire et commandent à un prestataire qui était jusqu'ici exclusivement la SNCF, la mise en circulation d'un certain nombre de trains. Ces collectivités territoriales payent un prix fixe pour le service rendu. Avec l'ouverture à la concurrence du transport régional de voyageurs, elles doivent maintenant organiser des appels d'offres avant de renouveler les contrats signés avec SNCF Voyageurs. Il est possible de diviser le marché en plusieurs lots, c'est à dire que plutôt que de proposer un seul contrat à un unique prestataire à l'échelle de la région, l'exploitation d'une ou plusieurs lignes peut être attribuée à une entreprise donnée, tandis que d'autres seront confiées à un prestataire distinct. C'est ainsi que dans la région PACA qui a été la première a lancer une procédure pour l'attribution de ces lignes sous ce nouveau régime, la liaison Marseille-Toulon-Nice a été attribuée à Transdev, tandis que les autres lignes autour de la ville de Nice resteront exploitées par la SNCF. Cette nouvelle organisation prendra forme mi-2025. Les lignes situées dans l'est de la Provence et les Alpes, et celles se déployant dans l'ouest de la région seront placées dans deux autres lots qui seront ouverts à la concurrence d'ici 2025 pour un début d'exploitation par le nouvel exploitant en 2029. A l'inverse, à l'issue d'un vote de son Conseil Régional ayant reçu 5 candidatures pour un lot de 9 lignes représentant le tiers de son réseau, la région Pays de la Loire a opté pour la proposition de SNCF-Voyageurs, qui créera pour exploiter cet ensemble de lignes, une nouvelle filiale. La situation dans les autres régions est assez contrastée, l'échéance de l'obligation de libéraliser le réseau ferré régional étant fixé à l'horizon 2033, toutes ne se sont pas lancées aussi rapidement dans le processus. Auvergne-Rhône-Alpes a commencé à réfléchir à un découpage de son réseau en une demie-douzaine de lots, Bourgogne-Franche-Comté qui semblait pourtant assez pressée de se lancer dans l'aventure a finalement repoussé le lancement de ses appels d'offre pour plusieurs lots qui seront progressivement mis en concurrence entre 2027 et 2033, la Bretagne ne souhaite pas s'engager tant qu'elle n'y sera pas contrainte par la date dans une procédure de mise en concurrence et continue par conséquent de faire confiance à la SNCF, Centre-Val-de-Loire n'est pas non plus très pressée et a signé une convention l'a liant à l'opérateur historique jusqu'en 2031, la région Grand-Est en revanche a avancé rapidement. Des appels d'offres ont été lancés, on devrait en connaître le résultat courant 2024. Les Hauts-de France ont dores et déjà attribué un premier lot, l'étoile d'Amiens à la SNCF, les autres seront mis en jeux pour une attribution entre 2026 et 2028. La Normandie a re-signé jusqu'en 2029 avec la SNCF, enfin, la Nouvelle Aquitaine et l'Occitanie ont profité d'une disposition leur permettant de renouveler avant la fin de 2023, une dernière fois leurs conventions avec SNCF-Voyageurs sans avoir à mettre en place de procédure d'appel d'offre, pour confirmer leur engagement avec l'opérateur historique repousse l'échéance.

Il est une région qui est un cas est très particulier, il s'agit de l'île de France.

Le Transilien est une sorte de très gros TER, à l'échelle de cette région qui est et de loin la plus peuplée de toutes. Pour l'heure, il est exploité par la SCNF. Son autorité organisatrice s'appelle Ile de France Mobilités. Pour le Transilien l'ouverture à la concurrence est prévue entre 2023 et 2039. Elle se fera par lots, en commençant par les lignes de Trams-Trains, avant de concerner les lignes J et L en 2024, N, U et R en 2025, P et le RER E en 2026, H et K en 2027, le RER D en 2031 et le RER C en 2032.

Et pour circuler d'une région à une autre sans prendre le TGV, il existe les TET ou Train d'équilibre du Territoire, on les appelle aussi Intercités qu'ils soient de jour ou de nuit.

Ces circulations entrent également dans le champ de délégations de service public. Mais leur autorité organisatrice est l'Etat. Enfin sauf pour deux lignes qui ont dores et déjà été rétrocédées à la région Normandie. Paris-Rouen-Le Havre et Paris-Caen-Cherbourg. Le Conseil régional de Normandie a indiqué que leur libéralisation ne serait pas une priorité pour lui.
Les lignes concernées sont pour les trains de jour : Béziers - Clermont-Ferrand, Nantes - Bordeaux, Nantes - Lyon, Toulouse - Hendaye, Bordeaux - Toulouse - Marseille, Paris - Clermont-Ferrand et Paris - Orléans - Limoges - Toulouse.
Pour les trains de nuit, Paris - Toulouse, Paris - Rodez, Paris - Latour-de-Carol, Paris - Cerbère, Paris - Lourdes, Paris - Briançon et Paris - Nice.
L'état à la possibilité de rétrocéder ces lignes aux régions qu'elles traversent, ou de préparer lui même leur mise en concurrence qui dans ce cas serait organisée par lots entre fin 2026 et fin 2029, sachant qu'une première tentative d'appel d'offre concernant les lignes Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon c'était révélé infructueux en 2020, aucun autre candidat que la SNCF n'ayant répondu.
Signalons que depuis, un nouvel entrant s'est manifesté sur le créneau des trains de nuit. Il s'agit de l'entreprise Midnight Train qui souhaite opérer de véritables hôtels sur rail comprenant voiture restaurant et voiture bar.

Enfin, dernier type de trains, ceux circulant en Open Acces, mais en dehors des lignes à grande vitesse. Dans cette catégorie là jouent Oslo et un 4ème nouvel entrant potentiel.

Oslo est une autre filiale de SNCF-Voyageurs, et outre le jeu de mot faisant immanquablement penser à la capitale de la Norvège, et à slow qui veut dire lent, cet acronyme signifie Offre de Service Librement Organisé, ce qui fait directement référence au régime de l'Open Acces. Autrement dit, un marché sur lequel on s'engage sans pouvoir espérer de subventions, en l'échange de la réalisation d'une mission de service public. Oslo est l'entreprise qui exploite les Ouigo Trains Classiques. Le principe, des trains ne proposant qu'une seule classe de confort, la seconde, et empruntant le chemin des écoliers, délaissant les liaisons à grande vitesse qui existent en parallèle. Ce service est assuré par d'anciennes rames de type train Corail sommairement rénovées et est proposé entre Paris et Lyon et Paris et Nantes, en attendant Lille, Bruxelles, Rennes, Bordeaux et Marseille, car la formule se révèle être un succès. Quand au nouvel entrant potentiel, il s'agit de Railcoop, autrement dit un petit poucet dans ce monde jusque là réservé aux grandes entreprises ferroviaires. Difficile de vous dire grand chose à cette date à son propos, étant donné que cette entreprise passe par de grosses difficultés actuellement et que son avenir va se jouer dans les prochaines semaines. L'idée de Railcoop était de faire circuler de trains sur des lignes délaisées par la SNCF donc l'Etat, rappelons-le, et en particulier la relation Brodeaux – Lyon. Après avoir tenté de faire circuler des trains de fret en région Occitanie, un service qui s'est avéré fortement déficitaire qu'elle a donc du stopper pour arrêter l'hémoragie, elle a décidé depuis de se recentrer sur son projet d'activité de transport de voyageurs. Si l'entreprise arrive à sortir de cette mauvaise passe, elle pourrait lancer mais probablement pas bien avant fin 2024, cette première relation.

Et vous ? Êtes-vous à l'aise avec tous ces changements en cours dans le monde ferroviaire ?
Avez-vous tendance à penser qu'ils se font pour le meilleur ou qu'ils présagent le pire ? Vous pouvez me faire part de vos remarques en commentaires. En attendant que je développe le sujet du fret ferroviaire sur cette chaîne dans les prochaines semaines, je vous propose de regarder ce reportage, qui est consacré à une relation assurée par Captrain sur la ligne des Cévennes et qui vous en donnera un avant-goût.



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