10 nouveaux RER en France
Vraiment ?
10 nouveaux RER en France Vraiment ?
Transcription :
10 nouveaux RER dans les 10 années à venir, dans une 10 aine de métropoles françaises. Voilà, c’est posé. Je ne pensais pas que je vous reparlerai de sitôt du sujet du RER après les reportages qui étaient sortis l'année dernière sur cette chaîne, consacrés aux différentes lignes de la région parisienne, et que vous avez du reste manifestement bien apprécié, mais l'actualité a décidé de me rattraper. Alors, c’est bien volontiers, que j’ajoute un nouvel épisode à cette série.
Je vais en profiter pour rappeler ce qu’est un RER, et particulièrement ce qui le distingue des TER qui sont déjà bien présents en région et ce que la création de ces nouvelles relations implique. Je vais essayer aussi de vous aider à répondre à l'interrogation qui est restée jusque là sans réponse, à savoir quelles sont les 10 grandes villes de l’hexagone qui pourraient être concernées. Je me demanderai aussi bien sur, si tout cela est bien réaliste. Bref, il y a pas mal de matière, alors Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !
Commençons déjà par une définition utile. Qu’est-ce qu’un RER ? Les initiales signifient Réseau Express Régional, mais au-delà, ce qui distingue ces trains des autres en circulation dans l’hexagone, c’est qu’ils assurent des dessertes cadencées, c’est à dire que leurs horaires sont réguliers. On sait, que à telle minute, un train va partir de telle gare pour telle autre, et ce une ou plusieurs fois par heure. Deuxième caractéristique, ces trains desservent la plupart du temps une grande ville et sa banlieue, y compris ses deuxième et parfois troisième couronnes, à la différence des métros qui eux desservent plus finement une ville, mais ne s’en éloignent en général pas. Enfin, une ligne de RER a pour origine et pour destination une ville qui n’est pas nécessairement la plus importante de sa zone, on appelle ce principe, la diamétralisation. Par exemple, la plupart des RER ne font que traverser Paris de part en part, pour faire leur terminus en banlieue souvent à de nombreux kilomètres de la capitale, ce qui les distingue des TER, Trains Express Régionaux dont l’origine ou le terminus est en général une grande métropole. Très souvent un réseau RER est construit sur la base de lignes pré-existantes, comme ce fut le cas pour celui de la région parisienne, absorbant d’anciennes lignes de la RATP ou de la SNCF, là je vous renvoie aux autres épisodes de cette série pour mieux comprendre ce qu'il en est. Il est parfois complété par la construction de nouveaux tronçons en tunnel, car en milieu urbain, l’espace manque pour pouvoir créer de nouvelles voies ferrées à l’air libre, en particulier dans les gares qui se sont parfois dotées pour l'occasion de nouveaux quais, mais en sous-sol.
Ce qui pousse à reparler de création de lignes de RER aujourd’hui, c’est la limite du modèle de développement du chemin de fer en France, qui a longtemps reposé sur le concept d’étoiles ferroviaires.
Et cette organisation ne date pas d’hier. Il faut remonter à l’époque du roi Louis Philippe, qui a véritablement lancé le chemin de fer dans l’hexagone. Son ministre, François Guizot promulgua une loi sur les voies ferrées dont les conséquences se font encore sentir de nos jours. L’idée était de confier à des entreprises privées le soin de construire le réseau ferroviaire français, en offrant aux compagnies qui souhaiteraient se lancer, en échange de leurs importants investissements, une concession à long terme pour l’exploitation des lignes établies. Pour éviter que ces entreprises n’aient la tentation de fusionner et de constituer ainsi, un monopole de fait, il est décidé que les différents réseaux établis ne seront pas connectés entre eux, d’où la présence à Paris de nombreuses gares, chacune origine de leur propre réseau. Le roi et son ministre confient à l’ingénieur Legrand, le soin de dessiner le tracé des lignes. Selon les concepts alors en vigueur à l’époque ou l'Etat était encore plus centralisateur qu'il ne l'est aujourd'hui, le réseau est conçu en forme d’étoile. Toutes les têtes de ligne se trouvent à Paris, selon un schéma que l'on baptisera l’Etoile de Legrand.
Ce concept de réseau en étoile sera copié par les grandes villes, qui peu à peu constitueront à leur tour, autour d'elles, des étoiles ferroviaires pour établir des relations vers des villes de moindre envergure qui les entourent.
Ce mode d’organisation rencontre néanmoins ses limites, et est devenu de nos jours un obstacle au développement des transports ferroviaires. Si durant les 30 glorieuses, les 30 années d’après-guerre, la population française est massivement venue habiter en ville, une nouvelle tendance est apparue au tournant des années 90. Avec le renchérissement des prix du foncier et de l’immobilier au centre, bien des habitants des grands centres urbains sont partis s’installer de plus en plus loin en banlieue. Ce mouvement a donné naissance a un phénomène dit de métropolisation. De nos jours, 22 villes françaises sont ainsi reconnues comme des métropoles. Ce qui les définie c'est qu'elles attirent beaucoup d'activités économiques, mais que la difficulté de s'y loger repousse leurs habitants de plus en plus loin de leur centre. L’éloignement du lieu d’habitation de celui ou s'exerce l'activité professionnelle crée ainsi de nouveaux besoins de déplacements, qui pour la plupart se font en voiture, faute de réelle alternative comme elles peuvent exister en région Parisienne.
Alors cette idée de développer en région de nouvelles liaisons RER, n'est malgré les apparences, pas si nouvelle que ça. La SNCF y a même réfléchi depuis de nombreuses années déjà.
Dans un schéma directeur que l'entreprise publique a remis au gouvernement en 2019, elle ne parle pas à propos de ces nouvelles relations de RER, mais de SEM, les Services Express Métropolitains, car dans ce document elle insiste bien sur le fait que le développement de ces nouvelles liaisons en région ne pourra résulter d'un simple copier/coller de l'exemple parisien du RER, beaucoup trop spécifique à la région Ile de France. Le point commun entre RER et SEM, étant qu'ils engendrent de lourds investissements pour réussir à densifier l'offre ferroviaire sur des relations ciblées. Or, en régions sont pour la plupart saturées. Avant de pouvoir y faire circuler un plus grand nombre de trains, et à fortiori des services de type RER, de nombreuses modifications seront à apporter aux infrastructures existantes, ce qui passera par de lourds investissements pour moderniser le rail et généraliser des technologies qui ont déjà fait leur preuve.
Je ne vais pas ici toutes les évoquer, mais simplement mentionner quelques unes d'entres elles pour que vous puissiez vous en faire une idée.
La centralisation de la gestion des circulations. Peu à peu sur l'ensemble du territoire sont déployées des Commandes Centralisées du Réseau. Elles regroupent en un seul lieu des installations qui historiquement étaient particulièrement nombreuses et éclatées sur plusieurs sites. Pour faire simple, là, où elles sont mises en œuvre, elles permettent de supprimer un grand nombre de postes d'aiguillage. Le projet 2TMV, deux trains sur une même voie. Il consiste à pouvoir accueillir deux trains courts sur un même quai plutôt que de mobiliser un long quai pour chacun d'eux. Le déploiement du système ERTMS, qui permet à deux trains de se suivre de plus près, alors que le système de cantonnement classique encore largement utilisé impose une distanciation plus importante qui réduit parfois drastiquement le nombre de trains pouvant emprunter une même ligne, dans un temps donné, lorsque les cantons sont très longs.
Parfois, il n'y aura pas d'autres solutions que de réaménager les infrastructures qui pour certaines datent de la fin du XIX ème siècle.
Depuis vous vous en doutez, le matériel roulant a bien changé, mais les dessertes aussi ne sont plus les mêmes et les moyens mis en œuvre pour y circuler sont parfois trop contraignants. Dans ce cas là, la SNCF préconise le déploiement du fonctionnement par tubes, dédiés à des secteurs géographiques. Le principe est de rendre aussi étanche que possible ces dessertes. En clair, d'éviter les situation où un train n'aie à traverser toutes les voies d'une gare pour se diriger vers sa destination, ou à couper une voie de circulation dans le sens contraire au niveau d'une bifurcation. Ces différentes situations limitant le nombre de trains pouvant emprunter les itinéraires concernés, et pouvant même en cas d'incident, totalement bloquer le trafic. Reste à prendre la décision d'appliquer ces principes à un certain nombre de nœuds ferroviaires vieillissant, et sa ça relève plus de l'aménagement du territoire, donc de l'Etat, que de la SNCF.
Du coup, qu'elles seraient les villes qui pourraient se voir dotées dans les 10 ans à venir d'une tel réseau ?
Il y en a trois catégories. Les métropoles qui connaissent un fort développement démographique et/ou économique : Parmi elles et par ordre alphabétique : Aix-Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Nantes, Nice, Rennes, Strasbourg et Toulouse, dans certaines d'entre-elles d'ailleurs des études ont dores et déjà été entammées. Bordeaux, Grenoble, Marseille, Nice et Strasbourg en sont même à l'étape de présenter des projets. Lyon, de son côté parle depuis plusieurs années déjà de la création d'un RER à la Lyonnaise. Lille, Nantes et Rennes, en sont encore à l'étape de la réflexion.
La deuxième catégorie de villes qui pourraient être dotées de RER nouvelle génération sont des métropoles de moins grandes tailles : jouent dans cette catégorie Dijon, Montpellier, Rouen, Toulon et Tours. Enfin la 3ème catégorie rassemble les zones trans-frontalières comme Metz-Nancy en relation directe avec le Luxembourg, et Mulhouse-Bâle pour ses échanges avec la Suisse. Il existe également un projet de RER baptisé Béarn-Pays Basque-San Sébastian concernant des échanges avec l'Espagne, et il est à noter l'existence du Léman-Express dont la première phase a été mise en service commerciale le 15 décembre 2019 entre Annemasse et Genève, je vous l'ai présenté sur cette chaîne, dans le cadre de la série consacrée à l'histoire des lignes de RER.
Hé ben alors, qu'est-ce qu'on attend pour lancer tous ces chantiers ? Malgré l'enthousiasme affiché pour ces nombreux projets, on a l'impression que pas grand chose avance. Il doit donc y avoir un grain de sable quelque part.
Et il n'y a pas besoin de chercher bien longtemps pour le trouver. Il s'agit du financement ! Le montant de l'investissement est à peu près connu. Au mois de juillet Jean-Pierre Farandou le PGD de la SNCF plaidait pour un engagement de 100 milliards sur 15 ans pour un plan global pour à permettre à la France d'atteindre ses objectifs environnementaux en doublant la part modale du train dans les transports. Ce plan englobe la création de 13 RER métropolitains, mais concerne aussi le fret ferroviaire et la construction de nouvelles Lignes à Grande Vitesse. Au mois d'octobre dans le journal « Le Monde », une 15 aine de présidents de région avait plaidé pour un new deal ferroviaire. Investissement envisagé : 100 milliards d'euros sur 10 ans. Evidement c'est une somme, mais elle est à rapprocher du budget d'investissement actuel de la SNCF qui est de l'ordre de 3 à 4 millards d'euros par an. En proposant un étalement sur 15 ans, cela revient à doubler ce budget. Reste à savoir qui payera. Les régions ont déjà prévenu qu'elles n'avaient pas les moyens de s'engager seules, l'Etat qui annonce vouloir créer dans les 10 prochaines années, 10 nouveaux réseaux de RER, n'a pas encore indiqué qu'elle serait le montant de sa participation. Il devrait l'annoncer au début de l'année 2023, mais beaucoup d'observateurs craignent qu'il ne s'agisse que d'un effet de manche, avec pour une bonne part, la réaffectation de crédits déjà votés, or c'est de l'argent frais qui permettra de régénérer le réseau ferroviaire français plus que vieillissant, dont une bonne partie des installations est un héritage plus ou moins direct du chemin de fer du XIXème siècle.
Et vous que pensez-vous de la possible création de cette dizaine de réseau de RER ? Croyez-vous que vous pourrez en bénéficier là où vous habitez ? Dites-moi tout ça en commentaires. En ce qui me concerne, j'ai bien envie de vous proposer sur cette chaîne une série dédiée aux étoiles ferroviaires françaises pour vous raconter comment elles ont été créées, mais surtout faire un point de situation sur leur état actuel. Dites-moi si ça peut vous intéresser, je vous lis et je vous retrouve très bientôt pour un nouvel épisode sur cette chaîne.
La gare de Guiscriff
La gare de Guiscriff
sur l'ancien réseau Breton
Le Chemin de Fer de Lyon-Croix-Rousse
à Sathonay
La renaissance de P1
(poste d'aiguillage de Lyon-Perrache)
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