La renaissance de P1
(poste d'aiguillage de Lyon-Perrache)
La renaissance de P1 (poste d'aiguillage de Lyon-Perrache)
Transcription :
Il va être question de patrimoine industriel dans ce dernier numéro d'Aiguillages de la saison XII je vais vous donner des nouvelles d'un dossier que je suis depuis sa création, il s'agit du projet de sauvegarde du poste d'aiguillage P1 de la gare de Lyon-Perrache, qui ça y est vous allez le voir est bien avancé et qui devrait même faire des petits un peu de partout en France.
Ce poste d'aiguillage cela fait 4 ans qu'il a été désaffecté, mais heureusement pour lui, l'Association Rail et Histoire a monté un projet de sauvegarde, c'est une première en France, je vous en ai déjà parlé, mais le dossier avance assez vite et c'est pour ça que je reviens dessus aujourd'hui. Qui plus est Lyon, c'est un peu une opération pilote puisque au final c'est une bonne 20aine de postes d'aiguillage qui pourraient être sauvegardés en France, maintenant que l'informatique les a rendu obsolètes. Grand moment d'émotion y a quelques jours pour ceux qui travaillent sur ce projet, le poste P1 a été remis sous tension.
Pour l'instant il ne s'agit que de quelques ampoules qui s'allument mais il a fallut pas mal de travail pour en arriver là et surtout s'assurer que plus aucune action sur les poignées du pupitre de commande ne puisse avoir de conséquences sur le terrain. On va monter la-haut, j'ai rendez-vous avec Sébastien Barbe le secrétaire général de l'association Rail et Histoire qui porte ce projet de reconversion.
C'est une association qui a aujourd'hui plus de 30 ans, et qui initialement, historiquement c'est une association qui avait vocation à faire de la recherche en sciences humaines appliquée à tout le domaine ferroviaire, tout ce qui roule sur des rails, le métro, les tramways, en passant par le train en s'intéressant vraiment à l'impact du ferroviaire dans l'évolution de la société, que ce soit au niveau économique, écologique ou même dans les technologies. L'association aujourd'hui a continué dans cette direction, son comité scientifique continue à faire des recherches au travers d'un programme, scientifique, et ce qui se passe c'est qu'en plus de tout cela, l'idée ça a été d'élargir notre public pour faire en sorte que le grand public s'intéresse plus au ferroviaire. L'idée ça a été de développer d'une part les activités culturelles, avec des expositions, des podcasts qui vont être lancés ce week-end sur Paris, et donc l'idée avec ce poste 1 de Lyon-Perrache, c'est un gros projet pour l'association, pour le transformer en un lieu ferroviaire, dédié au ferroviaire, un lieu qui soit à la fois pédagogique et ludique, c'est à dire que notre rêve c'est vraiment de faire en sorte que tout un chacun puisse venir pour s'essayer au métier d'aiguilleur, et comprendre aussi le système ferroviaire, qui est un système à la fois complexe et formidable du coup par sa complexité.
Ce que m'a expliqué Sébastien Barbe c'est que SNCF Réseau a décidé de soutenir un programme qui est porté par Rail et Histoire et qui s'appelle Postes Remarquables de France, ce sont 25 postes d'aiguillage qui seront préservés. Ils ont été choisis pour leur technologie, leur situation géographique ou même leur architecture, mais surtout parce qu'ils racontent l'histoire de l'innovation ferroviaire à la SNCF. En ce qui concerne P1, c'est Olivier Vellay qui est chargé du projet, et en attendant l'arrivée de l'Orient-Express, qui a manoeuvré quelques minutes plus tard au pied du poste, nous étions le jour de ce reportage, la veille du week-end des journées du patrimoine 2019, un détail important pour la petite anecdote qui va suivre, Olivier m'a rappelé ce qui était envisagé pour l'avenir de P1.
Le projet sur P1 c'est de l'ouvrir au public d'une manière pérenne, là, moi je fais quelque fois des petites visites, la pour les journées du patrimoine on est ouvert, pour Vive le train on pourrait être ouverts, c'est pas très souvent dans l'année, donc l'idée c'est de l'ouvrir de manière régulière peut-être deux ou trois fois par semaine, au public, donc il faut adapter le bâtiment pour qu'il soit adapté au public d'abord, mais l'idée, la volonté propre du projet, c'est de remettre le poste en service, donc tableau de contrôle, pupitre, et puis même le combinateur mécanique en dessous. L'idée c'est que l'on crée un logiciel informatique qui puisse mentir aux installations en leur faisant croire qu'il y a encore de trains sur les voies. Le grand public viendrait ici, et puis il pourrait interagir avec les poignées, comme si c'était encore en fonctionnement, de manière normale, pour se mettre dans la peau d'un aiguilleur. Donc là, on avance progressivement, on a eu un financement de la part de SNCF Réseau d'abord, au moins la moitié de la somme, donc c'est très bien … On a lancé des démarches avec la junior entreprise de l'Insa donc ce sont des ingénieurs qui sont encore étudiants, qui nous ont fait des devis etc … pour le logiciel, pour la conception de tout ce qui est électronique … qui ont fait des pré-choix techniques. Là cette année on a commencé le développement du logiciel et donc des cartes électroniques pour que le système fonctionne, de l'autre côté on a initié toutes les démarches administratives avec Réseau, c'est à dire qu'il y a eu récemment une étude, des installations techniques dans le poste pour bien vérifier que tout était désaffecté, puisqu'il y avait encore des doutes sur certains éléments télécoms, d'alimentation aussi, donc à priori, il n'y a plus rien dans le poste qui soit affecté, donc ça va nous faciliter la chose. L'étape d'après c'est d'être chez nous, avec une convention temporaire pour que Rail et Histoire l'association qui porte le projet avec Réseau, soit vraiment chez elle, de manière légitime, puisque on a vu que ça pose encore des difficultés ponctuelles, et puis ensuite effectivement dans un tiers temps donc on pourra vraiment lancer l'adaptation, les travaux, puisqu'ici l'objectif c'est de se remettre dans un état 1956, du moins aujourd'hui, c'est ce qui est envisagé de se remettre en état 1956 d'ici 3 à 4 ans, mais enfin les choses avancent doucement, mais elles avancent.
Vous avez remarqué le petit sourire d'Olivier quand il parle de l'occupation des lieux par Rail et Histoire qui pouvait encore poser des difficultés ponctuelles, alors il faut que je vous raconte l'histoire. En fait, on est donc la veille du week-end des journées du patrimoine, l'Orient-Express vient à Lyon stationner en gare de Perrache, Rail et Histoire profite de l'occasion pour faire visiter le poste à quelques partenaires et organise une conférence de presse. Donc il y avait un peu de monde dans là-haut, et là, la Suge débarque. La Suge, pour ceux qui ne connaissent pas, c'est la police ferroviaire. La patrouille était persuadée de tomber sur une équipe d'explorateurs urbains qui seraient montés là sans autorisation. Ils ont eu un peu de mal à comprendre ce qu'il se passait. Bon, finalement tout s'est bien déroulé puisque tout avait bien sur été fait dans les règles de l'art, mais il a quand même fallu que Olivier et Sébastien expliquent ce qu'était Rail et Histoire et ce qui allait se passer pendant ces deux trois jours ici, parce-que visiblement il y avait eu un petit manque de communication entre services. A la fin du week-end, l'Orient-Express a quitté la gare de Perrache et pris la direction de Paris en passant une nouvelle fois au pied du poste d'aiguillage, et le travail de fourmi à repris pour continuer à avancer sur le projet. Nous voici quelques mois plus tard, c'était quelques jours avant la diffusion de ce reportage, une grande étape a été franchie le TCO, c'est à dire le Tableau de Contrôle Optique et une partie des poignées du poste ont été remises sous tension.
Alors là, c'est vraiment tout récent, la semaine dernière, lundi dernier on a pu remettre en service les installations, l'objectif là maintenant c'est dans le cadre de la remise en service de valider l'architecture générale de l'ensemble, c'est à dire de vérifier que quand on tire une poignée, qu'il l'a détecte bien, quand on la tourne … que ça marche, et qu'il soit capable de commander le tableau de contrôle. On a remis un peu de tout en service, mais de manière partielle. Le tableau de contrôle on a remis en service par exemple une quinzaine de zones isolées, on en voit quelques une allumées ici sur le tableau de contrôle. Alors évidement pour l'instant ça ne correspond à rien, on les allume individuellement, mais on a vraiment commencé ce travail là. Après effectivement, on a fait des essais la semaine dernière, on a validé le principe de l'architecture générale de l'ensemble, maintenant on va avancer dans la simulation en elle-même, donc on va valider petit à petit la simulation en ajoutant enclenchement par enclenchement etc … pour avoir des circulations cohérentes. Par exemple, on ne pourra plus allumer comme ça des zones de manière indépendante, on devra avoir une logique d'itinéraire, et progressivement, on remettra en service des poignées, doucement, l'une après l'autre. Dans le cadre des journées du patrimoine, l'objectif cette année est d'avoir un maximum de poignées en service, et de proposer au public une expérience complète, sonore, lumineuse ...
Le paradoxe ici, c'est que c'est l'informatique qui a tué ce poste, puisque désormais c'est à partir d'un poste de commande centralisé informatisé que tous les aiguillages de la gare sont contrôlés, mais c'est aussi elle qui va le faire renaître puisque c'est un logiciel qui va permettre de redonner vie à l'ensemble des installations. L'idée c'est de revenir en 1956, à une époque ou l'activité était très importante à P1. Perrache était alors la plus grande gare de Lyon, celle de la Part-Dieu n'existait pas encore et il faut imaginer tout ce qui se passait ici. Les rames à l'époque n'étaient pas réversibles. Il fallait donc manœuvrer beaucoup à l'arrivée d'un train pour dételer la locomotive, l'a replacer en tête de train à l'autre bout de la gare ou l'envoyer au dépôt et en faire venir une autre, et parfois évacuer la rame si elle avait fini son service. Mais il y avait aussi un petit dépôt avec une rotonde, des trains-auto qu'il fallait charger et décharger, la Poste qui avait ici un centre de tri, toute cette activité était pilotée depuis P1 qui plus est dans un environnement contraint, parce-que de ce côté de la gare, il y a la Sâone et surtout un tunnel qui n'est qu'à deux voies pour partir vers Paris, et le manque de place s'est toujours fait sentir ici. Souvent les trains étaient trop longs pour pouvoir être manœuvrés en entier, il fallait donc les couper en plusieurs morceaux pour y arriver. C'est toute cette activité que le projet porté par Rail et Histoire veut pouvoir faire revivre à terme aux futurs visiteurs. Forcément, ça se fera en plusieurs étapes.
Pour l'instant on va se contenter de remettre en service les poignées sans simulation sonore, alors il y aura les gongs, les sonneries discordantes, mais ça reste interne au TCO, après la deuxième étape c'est de remettre en service des dispositifs moins usités, styles les commutateurs d'urgence des signaux par exemple, et puis après il y aura des étapes d'approfondissement de la simulation avec du sonore, quand un train passera sur le TCO on aura une bande son qui sera jouée, et puis l'idée c'est d'avoir un mobilier plus ancien. J'espère que cet été on pourra commencer à remettre un peu le poste en état, en enlevant du mobilier, en repeignant peut-être un petit peu l'ensemble. Donc on va y aller par étape, ça va être long, sur plusieurs années, mais on a le temps.
Pour le moment Olivier s'est lancé dans une chasse aux courts-circuits, il y en a quelques-uns qui provoquent le clignotement des ampoules du TCO, il faut donc les vérifier une a une, ainsi que l'ensemble des circuits électriques existants afin de les éliminer totalement. Une fois cette étape passée, le logiciel pourra être testé lui aussi jusque dans ces derniers retranchements afin de s'assurer qu'il est bien possible de re-créer tous les itinéraires qui pouvaient être tracés depuis ce poste. L'objectif, c'est que pour les prochaines journées du patrimoine, une partie au moins des installations puisse être mise en service à titre de démonstration. Je vous tiendrais bien sur au courant de l'avancée de ce projet et de celui de sauvegarder également d'autres postes en France, mais si le sujet vous intéresse particulièrement, je vous signale que parmi les avancées de ce projet il a eu la création d'un site internet accessible à l'adresse poste1.fr et d'une page Facebook qui s'intitule Perrache Poste 1. Bon été à tous, si vous avez regardé ce reportage juste après sa mise en ligne, Aiguillages revient pour une nouvelle saison à partir du 3 septembre.
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