Le métro parisien
sa petite histoire (épisode 2)
Le métro parisien sa petite histoire (épisode 2)
Transcription :
Un milliard et demi de voyageurs prennent le métro chaque année à Paris. Le réseau compte aujourd'hui plus de 200 km de voies ferrées, un chiffre qui va doubler d'ici 2030 avec la mise en service progressive des nouvelles lignes du Grand Paris Express. Depuis 75 ans, c'est la RATP qui est seule aux commandes, mais avec l'ouverture à la concurrence des transports en commun en Île-de-France, ce ne sera plus le cas à l'avenir.
Est-on en train d'opérer un retour vers le passé ?
Parce que oui, la concurrence dans le métro parisien ça a déjà existé, du moins jusque dans l'entre-deux-guerres.
Est-ce que ça a marché ?
Là est la question ! Je tâche d'y répondre ainsi qu'à quelques autres encore dans ce nouvel épisode de la Petite histoire du Métro Parisien. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !
À la différence des lignes de chemin de fer français qui ont été établies par des entreprises privées, le métro parisien est né dans le giron de la puissance publique. C'est en effet la ville de Paris qui a porté le projet en assumant les coûts financiers de la construction de ses premières infrastructures.
Avantage, le réseau a été établi avec un vrai souci du service public...
Et en particulier celui que le métro soit accessible au plus grand nombre de Parisiens possibles en imposant par exemple le principe qu'aucun point de la ville ne devrait se trouver à plus de 500 mètres de distance en moyenne de l'entrée d'une station.
Inconvénient, parce qu'il en existe aussi, il a fallu beaucoup de temps pour trouver l'argent et se mettre d'accord sur un projet. Les querelles politiques ont été nombreuses et ont très largement retardé sa mise en service. C'est ainsi qu'alors que des privés avaient proposé des concepts de métro pour la capitale dès 1845, il faudra attendre 1900 pour que la première ligne soit inaugurée.
Finalement, c'est peut-être pas plus mal parce que certaines des ébauches proposées auraient pu valoir aux édiles de l'époque la création avant l'heure du hashtag saccage Paris.
À défaut d'Internet et de réseaux sociaux, c'est la presse qui se déchaînait alors contre le métro.
L'avenir de ce nouveau moyen de transport était jugée à l'époque tellement incertain qu'aucune personnalité d'envergure ne voulut associer son nom à son inauguration qui se fit par conséquent dans la plus grande discrétion. Si la ville a financé l'essentiel des travaux, elle en a quand même délégué une partie, ainsi que l'exploitation des premières lignes à une entreprise privée. C'est pourquoi au sein du Conseil municipal est créé la Commission du Métropolitain qui désigne dès sa création en 1897 la Compagnie Générale de Traction propriété du baron belge Édouard Louis-Joseph Empin comme concessionnaire. Celui-ci s'associe aux établissements Schneider du Creusot pour créer en 1899 la CMP, Compagnie du Chemin de Fer Métropolitain de Paris qui se voit confier pour 35 ans l'exploitation du métro années durant lesquelles la ville reste propriétaire des infrastructures, la CMP lui reversant une redevance perçue sur les ventes de billets, ce qui lui permet de rembourser les emprunts contractés pour les travaux. L'accord prévoit un principe d'intéressement de la ville jusqu'à 190 millions de voyageurs annuels. Au-delà, la CMP conserve l'essentiel des bénéfices réalisés.
L'évaluation du trafic qu'attirerait le métro ayant été très largement sous-estimé ce principe a fait la fortune du baron Empin.
En 1902, soit deux ans après l'inauguration de la première ligne, une autre entreprise privée est constituée. La Société du chemin de fer électrique souterrain Nord-Sud de Paris, que l'on appellera plus communément et plus simplement par la suite le Nord-Sud. Elle se propose de créer trois nouvelles lignes de métro complémentaire du réseau exploité par la CMP, mais surtout de le faire en prenant à sa charge l'intégralité des coûts de construction et d'acquisition du matériel roulant, moyennant une redevance moindre que celle perçue par la ville sur les ventes de billets par la CMP.
La Commission du Métropolitain hésite, la CMP proteste, mais finalement, l'accord est bel et bien scellé. Après tout, cela ne coûte rien à la ville qui est assurée de récupérer à la fin du contrat de concession, des km supplémentaires de lignes dont elle n'aura pas eu à supporter les coûts. La compagnie Nord-Sud mettra en service deux des trois lignes envisagées, la A inaugurée le 5 novembre 1910 et la B qui le sera le 26 février 1911. Elles deviendront beaucoup plus tard les lignes 12 et 13. Pour se distinguer de sa concurrente, le Nord-Sud apporte un soin particulier à la décoration de ses stations. Toutefois, le très fort ralentissement du trafic durant la Première Guerre mondiale, associé à l'augmentation des coûts de la production de l'électricité obtenue à partir du charbon qui se fait plus rare, ainsi que le poids des investissements à consentir pour la construction des lignes vont pousser l'entreprise dans de grosses difficultés financières dont elle ne se remettra pas. Absorbée par la CMP, elle disparaît le 1er janvier 1930.
Cette date marque aussi une autre évolution majeure pour le métro parisien qui pour la première fois va franchir les portes de la capitale pour aller desservir sa banlieue.
Et ce n'était pas gagné d'avance. D'une part, parce que la ville de Paris n'avait pas vocation à financer des infrastructures qui allaient bénéficier à ses voisines d'outre périphérique lequel n'était d'ailleurs pas encore construit à l'époque, je le rappelle ... Mais surtout parce que le souvenir du siège de la commune était encore vivace dans les mémoires et qu'il a été longtemps tout simplement inconcevable de pouvoir envisager que des tunnels puissent être établis entre la capitale et les villes voisines. Toutefois, il fallait bien s'adapter à l'évolution des modes de vie, et ce que l'on constatait à l'époque était une stagnation de la croissance de la population habitant intra-muros, au profit des banlieues qu'il devenait par conséquent nécessaire de mieux desservir. Comme la ville de Paris ne pouvait jouer ce rôle, c'est le département de la Seine qui fut chargé d'étudier et de mettre en place les extensions du réseau métropolitain hors de la capitale. À l'image de celle liant l'entreprise à la Commission du Métropolitain, il signera à son tour avec la CMP une convention qui régira leurs relations. Celles-ci passent par la STCRP, la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne est créée en 1921 pour que le département de la Seine reprenne à son compte l'exploitation du réseau de surface bus et tramways qui étaient jusque-là assurés par plusieurs entreprises concurrentes toutes empêtrées dans de grosses difficultés financières faisant suite à la Première Guerre mondiale. Ainsi, les travaux de construction interrompue durant plusieurs années purent repartir, et en février 1934 le métro put faire ses premiers pas en banlieue parisienne avec l'inauguration du prolongement de la ligne 9 jusqu'à Pont de Sèvres. D'autres suivront rapidement.
Mais la Seconde Guerre mondiale est déclarée et les transports en commun parisiens seront une nouvelle fois fortement perturbés.
Une grande partie du personnel des entreprises concernées est appelée sur le front, l'énergie est une nouvelle fois rationnée. Le métro doit donc comme il l'avait déjà fait entre 1914 et 1918 fermer un certain nombre de lignes et de stations et continuer à fonctionner, mais au ralenti. Néanmoins, les bus ayant quasiment totalement disparu du réseau de surface, beaucoup étant réquisitionnés par l'armée pour le transport de troupes sur le front, ceux qui restaient dans les dépôts ne pouvant plus en sortir victimes d'une pénurie d'huile et de pneumatiques, le réseau de tramways ayant été totalement démantelé en 1938, il passe le cap du milliard d'usagers en 1941 et en compte 1 milliard 3 l'année suivante. L'Etat se substitue alors à la ville de Paris et au département de la Seine pour l'exploitation des transports en commun. Le gouvernement de Vichy décrète ainsi en 1942 l’absorption de la STCRP par la CMP mettant fin à plus d'un siècle de concurrence entre différentes compagnies exploitants divers modes de transport.
À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, le métro parisien explose tous ses records de fréquentation, comptant plus d'1,6 milliard de passagers en 1946 !
Mais la CMP ne tirera pas longtemps profit de ce succès. Bon nombre de ses dirigeants étant soupçonnés d'avoir au mieux eu une attitude conciliante voire complice avec l'ennemi, l'entreprise est sur la liste de celles qui seront sanctionnées et re-nationalisées. Au 1er janvier 1949, elle est remplacée par la Régie Autonome des Transports Parisiens placée sous le contrôle de l'Office Régional des Transports Parisiens, qui fait office d'autorité organisatrice des transports publics.
Dans le sigle RATP, le A de Autonome en dit long sur l'état d'esprit de l'époque.
La régie doit être autonome, comprenez que même s'il s'agit d'un service public, elle doit se débrouiller pour faire face à l'ensemble de ses dépenses et ne compter que sur ses propres ressources. L'Etat ne consent à contribuer qu'à un maximum de 15 % de ses besoins. Dans ces conditions, la priorité étant donnée à la reconstitution du parc d'autobus pour rétablir au plus vite un service de transport de surface conséquent, peu d'investissements seront consentis au métro qui en a pourtant bien besoin. Ses méthodes d'exploitation n'ont pas évolué depuis les mesures prises pour faire suite à la catastrophe de Couronnes en 1903 que je vous ai relaté dans le précédent épisode de cette série, et le matériel roulant n'a pas été renouvelé depuis les années 30. La guerre a également arrêté tous les projets de prolongement des lignes vers la banlieue. Les nouvelles extensions n'interviendront qu'à partir de juin 1952 avec le prolongement de la ligne 13 jusqu'à Carrefour Pleyel. L’instabilité politique chronique de la IVe République n'améliore rien à l'affaire. Personne ne veut prendre de décision importante.
Résultat : la RATP sombre dans une très grave crise financière en 1958
La situation est tellement préoccupante que le 1er décret que le Général de Gaulle signera dans le cadre de la Ve république en janvier 1959 soit quelques jours seulement après son élection, sera consacré à la régie. Il conserve en l'état la RATP, mais lui accorde de nouvelles sources de financement, et change l'autorité organisatrice au profit d'une nouvelle entreprise le Syndicat des Transports Parisiens. L'année suivante, l'Etat décide de s'engager lourdement dans le développement d'une région-capitale et que la RATP sera son bras armé dans le domaine des transports. C'est alors que sont lancées la création du RER, et la modernisation des réseaux existants. Les célèbres rames Sprague et leurs banquettes en bois seront ainsi invitées à tirer leur révérence, ce qu'elles ne feront qu'en 1983. Elles seront dès lors remplacées par des matériels roulants beaucoup plus modernes.
La même année, la loi Deferre met en place la décentralisation.
Elle a pour conséquence de régionaliser le pilotage et le financement des transports publics. Le STIF (Syndicat des Transports d'Île-de-France) est alors créé pour remplacer le Syndicat des Transports Parisiens. Il deviendra IDFM (Île de France Mobilité) en 2017, le but étant de pousser à une plus grande efficacité les entreprises de transport par le biais de la mise en place d'objectifs de qualité de service qui s'ils sont respectés ou dépassés peuvent donner lieu à des bonus, des malus dans le cas contraire.
En 2009, c'est l'ouverture à la concurrence dans le domaine des transports régionaux qui est actée et qui va produire de nouveaux bouleversements pour la RATP.
L'entreprise reste propriétaire et responsable de l'entretien de l'ensemble des lignes de RER et de métro, y compris de celles du Grand Paris Express. La propriété des matériels roulants et des dépôts, qu'il s'agisse des bus, des tramways, des métros ou des RER est transférée à Île-de-France Mobilité. Les transports publics peuvent être soit exploités en régie directe soit contractualisés avec un opérateur choisi à l'issue d'une mise en concurrence. Dans ce contexte, la RATP est assurée de conserver jusqu'en 2040 l'exploitation des lignes de son réseau historique. L'entreprise a remporté l'appel d'offres pour l'exploitation de la ligne 15 du Grand Paris Express, en revanche celle des lignes 16, 17 et 18 a été attribuée à l'un des concurrents avec lesquels elle devra désormais compter : Keolis.
Dans ce contexte de mise en concurrence des opérateurs de transport, à partir du 1er janvier 2025, le groupe RATP débarque à Lyon pour se charger de l'exploitation des 4 lignes de tramways, de métro et de funiculaires auxquels j'avais consacré ce reportage que vous pouvez voir où revoir en cliquant ici !
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