Le Chemin de Fer

de La Mure

Plein écran cliquez ici

(ou appuyez sur la touche Entrée de votre clavier)

Le Chemin de Fer de La Mure

Transcription :

Le Chemin de Fer de la Mure, c'est une ligne de montagne dont l'histoire raconte celle de tout un pays, celui du plateau Matheysin blotti dans les pré-Alpes, au sud de Grenoble et du département de l'Isère. Situé à une moyenne de 900 mètres d'altitude, son sous-sol regorge d'un minerai précieux et d'une très grande qualité, l'anthracite, un charbon à l'excellent rendement calorifique et qui plus est, n'est pas salissant. Pour en faciliter la descente jusqu'à la capitale du Dauphiné dont les industries étaient de grosses consommatrices, une ligne de chemin de fer a été construite en un temps record eu égard aux conditions très difficiles rencontrées sur le terrain. Il jouera ce rôle pendant plus d'un siècle avant que la mine ne soit fermée et que la région ne cherchant les voies de sa reconversion, il ne soit transformé en train touristique.



On va découvrir cette ligne dans ce reportage, son histoire, ses paysages, et son actuelle exploitation qui a pu finalement reprendre non sans peine et partiellement seulement depuis qu'un éboulement s'est produit sur son parcours il y a une dizaine d'années. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !

La construction de la ligne du Chemin de Fer de La Mure a été décidée à la fin du XIX ème siècle, dans le cadre du plan Freycinet, pour relier le bassin minier de la Mure à la ligne reliant Grenoble à Gap, dite ligne des Alpes, via la gare de Saint-Georges de Commiers, afin de permettre le transport par le train jusqu'à Grenoble du charbon produit sur le plateau Matheysin. La célèbre route Napoléon et sa non moins fameuse rampe de Laffrey, moyen le plus direct de relier les deux villes limitant considérablement le tonnage de charbon qu'il était possible de faire transiter, le train fut une idée qui s'imposa naturellement. Il restait à imaginer le parcours qu'il pourrait emprunter. Suivre la route pré-existante était tout simplement inenvisageable, les rampes qu'il aurait alors fallut vaincre étant infranchissables par ce moyen de transport. Les études portèrent alors sur un parcours alternatif empruntant la vallée du Drac bien que celle-ci soit elle-même très accidentée. Mais qu'importe, les enjeux économiques étaient tels pour la région que les moyens d'établir cette ligne furent déployés. On opta néanmoins pour une ligne à voie métrique ce qui supposait de transposer le chargement des wagons en provenance de la Mure, dans de nouveaux à voie normales ceux-ci pour que le charbon poursuive sa route jusqu'à Grenoble. Ce transbordement s'effectuait en gare de Saint-Georges de Commiers.


Ce principe étant acté, il restait tout de même à franchir de nombreux obstacles naturels pour rejoindre le plateau Matheysin situé à moins d'une 15 aine de km à vol d'oiseau, mais 600 mètres plus haut.

La gare de Saint-Georges de Commiers était, en effet, située à 315 mètres d'altitude, le Plateau Matheysin à une moyenne autour de 900. Le train ne pouvant franchir de rampes trop sévères, il fallut donc imaginer un parcours qui certes lui ferait perdre du temps et gagner des kilomètres, mais limiterait les rampes à une moyenne acceptable. Le dessin de la ligne fut donc tracé pour tenir compte de ces contraintes. L'astuce consista à lui faire épouser des courbes très serrées, conduisant le train à passer en plusieurs fois au même endroit, mais à des altitudes différentes. Le point le plus célèbre où ce stratagème peut être observé est le franchissement des viaducs de Loulla situés sur la commune de la Motte d'Aveillans. Deux ouvrages d'art jumeaux, en courbe, situés l'un au-dessus de l'autre, sur lesquels les trains s'engagent dans un sens, avant de disparaître dans la forêt pour réapparaître, quelques minutes, plus tard orientés dans l'autre direction. Le choix de ce type de tracé a naturellement conduit à celui d'établir la ligne à voie métrique. La ligne traverse 4 autres viaducs, mais aussi 18 tunnels, dont la plupart sont eux même établis en courbe. Au total, sur une longueur de 30 km, elle concentre 142 ouvrages d'art. Pour la construire, on ne lésinera pas sur les moyens. Il faudra même faire appel à l'armée pour qu'elle procède à des tirs de canon sur la montagne depuis l'autre côté de la rivière pour que les ouvriers puissent accéder au site que l'on appelle depuis le balcon du Drac. Malgré toutes les difficultés rencontrées, les travaux seront menés tambour battant et la ligne inaugurée dès le 24 juillet 1888, pour une ouverture officielle le 1er août de la même année.

À cette époque les trains qui la parcourent sont à vapeur, mais ça ne va pas durer.


Certes, le barrage du Monteynard n'existe pas encore, c'est d'ailleurs le train qui permettra d'en transporter les matériaux de construction, mais la région produit déjà de l'hydroélectricité, et le coût de l'exploitation de la ligne par des locomotives à vapeur va pousser à lancer des études pour substituer cette source d'énergie au charbon. L'ingénieur René Thury sera l'auteur d'une première mondiale sur la ligne dont il va électrifier à titre expérimental un peu plus de 6 km en courant continu à la tension de 2 400 volts. L'électricité provient du barrage d'Avignonet situé sur le Drac. L'expérience s'avérant concluante, la ligne sera totalement électrifiée dès le mois de novembre 1912. Le système était constitué d'une ligne aérienne comprenant deux fils de contact parcouru par une tension de 1200 volts chacun, un mode d'alimentation qui restera très rare, seuls les Chemins de fer Rhétiques et le Nyon-Saint-Cergue l'ayant pratiqué en leur temps en Suisse. Sur la ligne de Saint-Georges de Commiers à la Mure, il sera également remplacé par une ligne de contact en fil unique en 1951, avant que l'alimentation électrique de la ligne ne soit totalement revue en 2008.

La principale vocation du train restera longtemps le transport du charbon, même si celui des passagers et d'autres types de marchandise existait également. Une exploitation touristique démarrera néanmoins en parallèle à la fin des années 70.

Entre deux trains lourdement chargés d'anthracite, on pouvait en effet voir sur la ligne du SG-LM, pour Saint-Georges-de-Commiers – La Mure, circuler des trains mixtes. Ceux-ci étaient constitués de voitures pour les voyageurs et de wagons pour le transport de marchandises diverses allant de petits colis aux bestiaux, les jours de marché à La Mure. Sans oublier le transport du courrier. Son succès était tel, qu'il fut même un temps envisagé de prolonger la ligne jusqu'à Gap pour permettre la livraison de charbon dans les régions méridionales ou encore éviter aux habitants le passage par le col de Lus-la Croix Haute pour se rendre à Grenoble. Mais la concurrence de la route eu raison de cette nouvelle ligne. Le tourisme se développant néanmoins sur le plateau Matheysin, et la question de l'avenir de l'activité minière se posant de plus en plus, une exploitation purement touristique fut entamée en 1988. 2 à 4 allers-retours quotidiens étant assurés au départ de Saint-George de Commiers vers La Mure. Elle se prolongera jusqu'à se produise un éboulement entre deux tunnels le 26 octobre 2010 endommageant fortement non seulement la voie, mais aussi l'un des viaducs situés sur la ligne, celui de la Clapisse, dominant le Lac du Montheynard, en plein milieu du parcours. Véolia qui était alors en charge de l'exploitation touristique du Chemin de Fer de la Mure pour le compte du Conseil général de l'Isère, l'abandonna alors.

S'ensuivra une longue période au cours de laquelle le Conseil général de l'Isère essayera de trouver un nouvel exploitant pour la ligne, mais sans succès.

Il faut dire que l'éboulement qui s'est produit au milieu du parcours n'est pas fait pour faciliter les choses. EDF qui a peur que la purge de celui-ci ne conduise les rochers à finir leur route dans la retenue d'eau du barrage de Monteynard est fermement opposé à cette opération. Creuser un tunnel dans l'éboulis représente un coût qui en a fait reculer plus d'un. La possibilité d'exploiter la ligne en deux tronçons avec un vélo-rail sur la partie-basse et un train sur la partie supérieure a également été envisagée, mais n'a pas abouti. Finalement, le projet présenté par l'entreprise Edéis est retenu par le Conseil général de l'Isère et c'est la forme d'exploitation qu'elle a proposée qui est pratiquée aujourd'hui. Depuis juillet 2021, les trains circulent de nouveau, mais uniquement sur la partie supérieure de la ligne, concentrant ses principaux points d'intérêt. Désormais, les trains partent de La Mure, pour rejoindre le site dit du Grand Balcon situé juste avant l'éboulement. Un nouveau terminus a pu y être aménagé. Les voyageurs descendent sur un quai construit à cet effet avant de s'engager à pied dans l'un des tunnels de la ligne, pour déboucher sur un viaduc sur lequel les trains s'arrêtaient auparavant le temps d'un arrêt photo. On a là l'un des plus beaux panoramas parmi ceux dont on pouvait jouir du temps du parcours complet depuis Saint-Georges de Commiers. Alors oui, vous l'avez vu, il ne faisait pas très beau le jour où j'ai tourné ces images.


Que voulez-vous, j'ai choisi un premier novembre pour venir tourner quelques images supplémentaires pour étoffer ce reportage ? J'ai joué, et j'ai gagné, un temps de Toussaint !

Mais je vous promets qu'en temps ordinaire le panorama en vaut vraiment la peine, même si la pluie, ce jour-là, n'empêchait pas de profiter de la vue sur le lac. Sur le chemin du retour, il est possible de s'arrêter à la Mine Image qui se trouve à la Motte d'Aveillans. Il sagit d'un musée animé par des bénévoles, qui retrace en lieu et place de l'ancienne exploitation, la vie des mineurs. L'originalité de cette mine est que l'on n'avait pas besoin d'y descendre. Les galeries étant creusées à l'horizontale. Ce qui en facilite aujourd'hui encore la visite. Sur les 60 km de tunnels qui ont été creusés sous le plateau Matheysin pour exploiter le charbon, vous ne parcourez que 250 mètres de galerie, mais c'est tout à fait suffisant pour ce faire une bonne idée des conditions dans lesquels les mineurs pouvaient travailler à une époque qui n'est somme toute pas si éloignée de la noter puisque les mines de la Matheysine ont cessé définitivement leur exploitation en 1997.

Pour ceux qui choisissent cette option de visite, un train viendra vous récupérer deux heures plus tard.

C'est l'occasion de parler du matériel roulant dans lequel le trajet se fait désormais. Si la traction est assurée par 3 locomotives historiques Sécheron datant de 1933, mais ayant fait l'objet d'une révision complète avant leur remise en service en 2021, les voitures transportant les voyageurs ne sont plus celles en bois d'avant l'éboulement, mais des véhicules rachetés auprès du MOB, le Montreux – Oberland – Bernois, l'une des compagnies à voie métrique opérant en Suisse. Datant de l'époque de la précédente exploitation, deux baladeuses ont également été restaurées, ainsi que des wagons couverts qui servent d'intermédiaire entre les voitures et la locomotive. Une nouvelle exploitation touristique qui si elle a le mérite d'exister pose le problème du devenir du reste du matériel roulant historique et surtout de la partie inférieure de la ligne et de son patrimoine bâtit pour lequel il reste à souhaiter qu'une solution le préservant et le mettant en valeur puisse être trouvée.

Et vous avez-vous déjà pratiqué le Chemin de Fer de la Mure ? À l'époque de son exploitation complète ou plus récemment ? Faites-moi part en commentaires de vos souvenirs et de vos expériences. Et si vous souhaitez découvrir un tout autre train touristique qui a repris du service tout récemment, je vous conseille ce reportage consacré au Train des Forts implanté dans une tout autre région puisqu'il s'agit de l'Est de la France.

Suggestions de reportages à revoir dans la catégorie : Trains Touristiques