Les trains ...
et la neige
Les trains ... et la neige
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Les trains et la neige. Qu'est-ce que ça donne ? Souvent de bien belles images, comme celles que vous trouverez dans ce livre édité par la Vie du Rail il y a quelques années, sur lequel je vais m'appuyer pour illustrer en partie ce sujet mais aussi pas mal de problèmes, surtout dans nos contrées où ce phénomène météorologique hivernal est considéré comme exceptionnel, à part en montagne bien sur ! Alors, quand, comme ce fut le cas la semaine dernière encore, quelques flocons de neige tombent en plaine, c'est tout de suite la panique ! Deux à trois centimètres de poudreuse ont une nouvelle fois suffi à provoquer de nombreux retards sur les rails.
Pourquoi de telles conséquences alors que bien des pays vivent et font rouler des trains sous plusieurs dizaines de centimètres de neige, apparement sans problème ? C'est une remarque que l'on entend très souvent. Quelles sont les conséquences des chutes de neige sur le réseau ferré et sur le matériel roulant ? Quels sont les moyens pour limiter l'accumulation des retards ou pire les annulations de trains ? Quels équipements sont-ils mis en oeuvre dans les régions où la neige tombe en abondance ? Je réponds à ces questions et à quelques autre encore dans ce dernier numéro de l'année 2022. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !
Commençons par rescenser les problèmes que la neige génère et les organes du système ferroviaire qui sont touchés en priorité. La voie est bien sur particulièrement exposée. L'un de ses points les plus faibles ce sont les aiguilles, ces dispositifs qui permettent d'orienter un train, là où l'on souhaite le voir aller. En se tassant entre elles et le rail, la neige peut empêcher tout mouvement. Entre les rails se trouvent également de nombreux appareils qui peuvent littéralement disparaître sous un manteau neigeux trop épais et ainsi ne plus fonctionner. Les plus anciens et sans doute les plus connus sont les célèbres crocodiles. Ils se trouvent à proximité des signaux, et leur rôle est de transmettre une information en cabine grâce au frottement d'une brosse qui produit un courant électrique. Pour le conducteur cela se traduira par le déclenchement d'un signal sonore lui confirmant qu'il a bien la voie libre. Les pédales qui permettent de déclencher la fermeture des passages à niveau. Mais on trouve de plus en plus dans l'entrevoie divers autres systèmes chargés par exemple de contrôler la vitesse des trains et d'en provoquer l'arrêt si celle-ci est jugée excessive par l'ordinateur de bord installé dans la locomotive, avec lequel ils échangent des informations. On appelle ces petits boitiers des balises. Or s'ils disparaissent sous la neige, ils ne peuvent tout simplement plus fonctionner. Alors que faire ?
Autant pour ce qui est d'éviter que les aiguilles ne gèlent, il y a des solutions techniques, autant pour les autres dispositifs, c'est plus compliqué.
Pour les aiguilles, on a recours à des réchauffeurs qui ont comme finalité de faire fondre la neige et de l'empêcher de se transformer en glace, en augmentant tout simplement la température des rails. Beaucoup sont électriques et télécommandables mais certains fonctionnent au gaz et sont alimentés par des bouteilles. Une intervention manuelle est nécessaire pour les mettre en route. De la même façon, le déneigement des autres dispositifs présents sur la voie ne peut se faire autrement que par par une intervention humaine directement sur le terrain. L'autre grande crainte des cheminots est la cassure d'un rail qui peut être provoquée par une variation très importante des températures. Celle-ci entraînant des effets de contraction et de dilatation des fils de rails. Dans les secteurs à risque, la vitesse des trains doit par conséquent être limitée, et parfois leurs circulations interdites. La parade ici est le passage d'engins spéciaux qui auscultent le rail pour en détecter les moindres signes de faiblesse en y envoyant des ultra-sons. Bien sur, en cas de défaillance, la portion de rail concernée doit être changée.
Avec la voie, un autre dispositif souffre particulièrement sur les lignes concernées : ce sont les caténaires.
Ce n'est pas tellement la neige qui pose problème, mais le givre, un phénomène qui se produit par temps de brouillard, lorsque les températures descendent en dessous de 0 degré et qui peut prendre des proportions très importantes dans une atmosphère déjà bien humide. S'il s'accroche à la ligne de contact qui alimente les trains en électricité, il peut complètement l'emprisonner et rendre difficile la captation du courant en perturbant le contact entre la caténaire et le pantographe des motrices. Sa présence provoque par ailleurs des amorçages qui provoquent des étincelles. Ce phénomène étant plutôt réservé aux lignes alimentées en 1500 volts sur lesquelles les appels de courant sont plus importants qu'en 25 000 volts. Le spectacle est peut-être beau à voir mais chaque étincelle contribue à échauffer localement la caténaire, ce qui peut conduire à la fonte du fil de cuivre et à sa rupture. Si suffisament de trains circulent sur la ligne concernée, cela peut suffire à solutionner le problème car le frottement régulier du câble par le pantographe des machines empêche le givre de se former. Sur les lignes peu fréquentées ou qui ne le sont pas la nuit, on fait circuler plusieurs locomotives électriques pantographes levés mais tractées par une machine diesel pour le décrocher.
Une autre méthode consiste à profiter de l'effet de Joule, un principe qui veut que plus la puissance électrique est importante dans un circuit, plus il chauffe. En augmentant la puissance électrique circulant dans la caténaire, on provoque donc son réchauffement et par conséquent, la fonte du givre. Dernière solution en date, un produit est apparu sur le marché qui permet de traiter préventivement la caténaire. Il est testé avec un certain succès depuis l'hiver 2020/2021. Un dispositif spécial qui ressemble à un pantographe mais ne touche pas le fil de la caténaire permet de pulvériser ce produit par guidage laser. Il s'installe sur un wagon plat. Le produit pulvérisé est biodégradable et offre une protection restant efficace durant une 30 aine de jours, en empêchant le givre de se former. A terme si les tests qui seront réalisés encore cet hiver sont concluants, la technique du raclage des caténaire pourrait être abandonnée dès la saison hivernale prochaine.
Enfin, le matériel roulant lui aussi est mis à rude épreuve par la neige.
Sur les lignes électrifiées, l'échauffement qui se produit sur le fil de la caténaire se fait également ressentir sur le pantographe, au point que c'est lui qui peut fondre et ainsi priver un train de traction.
Mais il existe un autre phénomène redoutable. Plus un train se déplace vite, plus il produit d'air, ce qui conduit à l'accumulation de neige qui se transforme en glace à grande vitesse. Celle-ci finit toujours par se détacher sous la forme de plus ou moins grosses plaques dont la projection peut produire d'importants dégâts. Des vitres ou des parebrises sont ansi brisés par centaine chaque année. La neige a aussi tendance à s'infiltrer de partout. Par exemple, dans les compartiment moteur des engins, qu'il faut par conséquent protéger en installant des toiles mais aussi dans les attelages automatiques que l'on habille d'une housse pour les préserver.
Mais alors comment fait-on pour faire circuler sans problème des trains dans des pays où les phénomènes neigeux sont beaucoup plus importants que chez nous, dans le nord de l'Europe et au Canada notamment ?
La grande différence, c'est que dans ces pays, la neige s'installe durablement et que les températures sont certes plus froides que chez nous mais que leurs variations sont beaucoup moins importantes que ce que nous pouvons connaître. Compte-tenu de la durée des épisodes neigeux, des investissements ont pu être consentis dans des équipements permanents qui ne se justifient pas pour quelques jours de perturbation au plus par an chez nous. Pour autant, les régions les plus sensibles sont dotées de matériels qui leur permettent de faire face à la plupart des éventualités. Ceux-ci sont positionnés avant l'hiver en des points stratégiques du réseau.
Il en existe de toutes sortes, de la simple étrave placée à l'avant d'un wagon ou d'une locomotive aux engins spécialisés. Premier dispositif : les petits socs. Ils servent autant à chasser des obstacles qui se trouveraient sur la voie que la neige à condition que sa hauteur soit limitée. On les trouve installés sur des machines en service commercial, assurant des trains dans des régions exposées. Des socs plus gros jusqu'à un mètre, peuvent être placés à l'avant de draisines ou de locotracteurs qui assureront une mission de déneigement. Certains dispositifs portent le nom des ateliers de la SNCF où ils ont été conçus. C'est le cas par exemple des chasse-neiges dit « Langeac », ou Never qui sont venus remplacer les précédents. Des wagons à l'aspect visuel bien particulier sont utilisés pour le déglaçage des tunnels dans lesquels des stalactites peuvent se former. Ils sont surmontés d'un arceau, placé en leur centre, sur lequel sont montées des bandes de fer plates épousant la forme des tunnels. Faisant penser à la parure des chefs indiens, ils ont été baptisés les wagons sioux.
Mais les dispositifs produisant l'effet le plus spectaculaire sont les souffleuses à neige.
Dans cette catégorie rentrent les célèbres Beilhac. Ils sont équipés de trois énormes hélices aux bords très coupants, dotées de turbines entrainées par deux gros moteurs diesels. La neige est expulsée de part et d'autre de la voie via deux cheminées orientables prévues à cet effet. L'intérêt de ces matériels est de pouvoir atteindre une grande vitesse de déplacement tout en réalisant leur travail et leur capacité à faire un demi-tour sur eux-même pour repartir déneiger dans l'autre sens de circulation, grâce à un système de double chassis. Le premier est mobile et posé sur le second qui lui est roulant. La SNCF possède trois de ces engins à écartement standard. Ils ont été construits par l'entreprise allemande Martin Beilhac entre 1973 et 1983. Les deux premiers sont basés à Chambéry. Le troisième à Dijon. Ce sont les CN1 à 3. Un quatrième le CN4 a été construit dans les mêmes conditions mais en voie métrique. Il est utilisé sur la ligne du Mont-Blanc Express au départ de Saint-Gervais le Fayet. Autres engins particuliers, les Z201 et 202 de la ligne de la Cerdagne, sont des chasse-neiges toujours en service, des véhicules ferroviaires à écartement métrique, électriques, alimentés par un 3ème rail. L'éperon du premier est orienté vers Villefranche-de-Conflent, celui du second vers Latour-de-Carol. Ce sont eux qui se chargent du déneigement de la ligne parcourue par le train jaune. Enfin dernière ligne à posséder son propre équipement de déneigement est celle du Lioran en Auvergne qui, entre autres dispositifs peut compter sur le vaillant CNS ou chasse-neige spécial basé à Aurillac. Toujours en service malgré ses bientôt 90 ans, ses sorties se font rares car sa spécialité c'est d'intervenir lorsque la hauteur de neige à déblayer dépasse un mètre.
Avez-vous eu l'occasion de voir les uns ou les autres de ces engins de deneigement en activité ? Vous pouvez me le raconter en commentaire sous cette vidéo ! Si vous voulez continuer à rêver de trains dans de magnifiques paysages enneigés, je vous conseille ce livre édité par la Vie du Rail intitulé Trains de neige entre terre et ciel et à l'assault des cimes. Je vous souhaite de passer de très bonnes fêtes de fin d'année et vous retouve en 2023 pour partager avec vous de nouvelles découvertes ferroviaires.
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