Les autorails EAD

de la SNCF

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Les autorails EAD de la SNCF

Transcription :

Au début des années 60, la SNCF souhaite standardiser son parc d'autorails alors très hétérogène et pour une bonne part hérité des anciennes compagnies. Elle optera alors pour une série d'engins bi-caisses, qu'elle baptisera : EAD pour Elements Automoteurs Diesels. Ces autorails à la silhouette très caractéristique, les derniers qui arboreront fièrement la célèbre livrée rouge et crème, ont longuement sillonné les lignes non électrifiées de son réseau un peu de partout en France. Dans une version modernisée, les derniers représentants de cette série d'autorails mythiques, ont définitivement quitté le paysage ferroviaire français il n'y a pas si longtemps que ça.

Connaissez-vous le surnom qu'on leur avait donné ? Savez-vous pourquoi ? Connaissez-vous les différentes déclinaisons de cette série d'engins ? Saviez-vous qu''il en a existé un temps qui a servi à transporter le courrier ? Que l'un de ces autorails a été le tout premier TGV ? Savez-vous qu'il est encore possible de monter à bord de quelques uns d'entre eux, et où ? Je réponds à ces questions et à quelques autres dans ce nouveau numéro. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages.

Les EAD ont été construits à 456 exemplaires entre 1963 et 1981. Outre leur livrée rouge et crème et leur large baie vitrée frontale encadrée d'un bandeau noir qui les rend très reconnaissables, ces autorails ont comme caractéristique principale de se présenter sous la forme d'ensembles indéformables constitués à l'origine d'une motrice et d'une remorque équipée elle même d'une cabine de conduite pour permettre de circuler dans les deux sens.

Je dis à l'origine, parce-qu'une petite série de 13 autorails qui a été produite un peu plus tard que les autres était constituée de deux motrices encadrant une remorque.

Les premiers EAD ont été commandés en deux versions par la SNCF qui souvent aimait tester différentes options lorsqu'elle mettait au point une nouvelle série d'engins, et parfois chargeait deux entreprises différentes de leur construction. Dans le cas des EAD, ce sont les ANF, Ateliers de Construction du Nord de la France, qui seront chargés de l'intégralité de la production de ces autorails, mais en les dotant de deux moteurs différents d'où la distinction entre deux séries qui seront assemblées simultanément à partir de 1963 et jusqu'en 1970. Les X 4300 et les X 4500.

Si vous ne l'aviez pas remarqué, je vous le précise au passage, tous les autorails de la SNCF sont numérotés avec le préfixe X.

Les engins des deux séries reçoivent une motorisation diesel, mais un moteur SSCM-Poyaud du type C 6150 SR T pour les premiers, et Saurer SDHR pour les seconds. La SSCM, Société Surgérienne de Construction Mécanique Poyaud avait été créée en 1908 par Albert Poyaud pour produire des petits moteurs à essence destinés à l'industrie laitière et était basée à Surgères en Charente Maritime. Dans l'entre-deux guerres elle élargie un peu sa gamme, en concevant des moteurs de faible puissance de l'ordre de 5 à 30 chevaux, destinés à d'autres branches d'activités, mais c'est après 1945 qu'elle va surtout se développer et acquérir une excellente réputation pour ses moteurs de bateaux, fiables et durables, dont la puissance allait de 50 à 350 chevaux. Dans les années 60, elle commence à produire des moteurs diesels, dont le célèbre MGO conçu pour la SNCF. Quand à Saurer, c'est une entreprise encore plus ancienne, puisque ses origines remontent à 1853. La société est crée alors par France Saurer, près de Saint-Gall en Suisse.
Elle fabrique ses premiers moteurs à essence en 1888, avant de construire des voitures, mais surtout des autobus et des camions. 151 X 4300 seront équipés du premier type de moteur, 126 X 4500 du second.

Les premiers engins des deux séries seront mis en service à partir de 1963, puis au fil des livraisons qui se poursuivront jusqu'en 1970.

Et ils revêtiront logiquement la livrée rouge et crème qui était celle de tous les autorails de la SNCF de l'époque. Ils seront les bienvenus pour remplacer des automoteurs plus anciens, dont les célèbres Picasso qui ont fait l'objet d'une autre vidéo sur cette chaîne, mais aussi d'autres, datant pour certains encore, des anciennes compagnies. A bord, les voyageurs s'installaient sur des banquettes de 5 places, en vis à vis. Ils étaient ballotés au gré du passage d'un coupon de rail à l'autre, à une époque ou l'on était loin d'avoir mis au point la technique du rail soudé, mais aussi des changements de vitesse, la boîte mécanique qui équipait les deux séries étant la source de quelques secousses au moment du changement de régime. Mais globalement, il furent très bien reçu par le public, qui les rebaptisèrent même « Caravelle » du fait du rugissement de leur moteur.

A une époque ou on était très porté sur le transport aérien, c'était une comparaison plutôt flatteuse.

La Caravelle, c'était un avion de ligne bi-réacteur destiné à être mis en service sur des liaisons courts et moyens courriers. Elle avait été conçue par la société Sud Aviation qui est par la suite devenue l'Aérospaciale. Il s'agissait du premier bi-réacteur civil au monde, à être produit en série. Sa particularité ? Les moteurs n'étaient pas placés sous les ailes, à mais à l'arrière du fuselage, ce qui lui donnait une silhouette assez caractéristique.

Mais revenons à nos Caravelles Ferroviaires.

Devant le succès rencontré par les deux premières séries, la SNCF en commande une nouvelle aux Ateliers de Construction du Nord de la France. 115 nouveaux EAD seront ainsi construits. La numérotation de la précédente s'étant arrêtée avec l'X4630

bien qu'il appartenait à la série des X 4500, j'espère que vous suivez …

la nouvelle numérotation aura pour origine le numéro 4630.

Bon résumons, nous avons 151 X 4300 numérotés de 4301 à 4451, 126 X 4500 de 4501 à 4526, et pour cette troisième série …

on reprend la numérotation de X 4630 à 4744, elle est par déduction constituée de 115 autorails qui seront mis en service entre 1971 et 1977. Pour cette nouvelle série, il est décidé d'opter pour le moteur Saurer …

en revanche, on abandonne l'idée des secousses au passage des vitesses.

La boîte à transmission mécanique est par conséquent remplacée par une hydraulique.
Mais la série des autorails dit Caravelles ne va pas s'arrêter en si bon chemin. La SNCF va tout d'abord commander 36 nouveaux EAD qui porteront les numéros 4750 à 4803, certains éléments de cette série ne seront pas construits, mais obtenus par transformation d'un matériel spécifique pré-existant, dont je vous reparlerais dans un instant. Ils seront mis en service entre 1977 et 1981. Puis ce sera au tour de la région Basse Normandie de passer commande de 7 automoteurs du même type numérotés 4690 à 4697. Ils étaient réservés à la desserte de la ligne Paris-Grandville.
Ces deux dernières séries se distinguent de la précédente par un nouveau moteur Saurer, légèrement plus puissant, qui leur permet d'atteindre les 140 km/h contre 120 pour leurs aînés. Les autorails commandés par la SNCF et ceux mis en service par la région Basse Normandie se différencient par leur aménagement intérieur.

Enfin, une dernière série conçue pour les voyageurs va être lancée en 1975.

Ce sont les X4900, les toutes dernières caravelles qui seront commandées aux ANF. Il y en aura au total 13. Originalité de cette dernière série ? Deux motrices encadrent une remorque intermédiaire. Du côté de la motorisation on retrouve le moteur Saurer et la boîte hydraulique, mais comme il y deux motrices et non plus une motrice et une remorque munie d'une cabine de conduite pour la réversibilité, ces nouvelles rames comptent bel et bien deux moteurs. Petite coquetterie, une nouvelle livrée composée de bleu, de blanc et de gris. Leur équipement intérieur est rendu plus confortable par l'abandon de la banquette 5 places, au profit de sièges individuels. Leur puissance accrue, fera qu'on les verra circuler notamment sur les lignes à fort profil des Alpes du Sud, dont Briançon-Marseille et Grenoble-Veynes, mais cette relation là ne sera effectuée par des X 4900 que le temps d'un été. Toutes les séries pouvaient se mélanger pour former des ensembles de 2 ou 3 éléments constitués d'un maximum de 7 caisses toutefois.

Mais si ces autorails avaient été bien accueillis par les voyageurs de la SNCF dans les premières années de leur mise en service, force est de constater qu'une 20 aine d'années plus tard, ils apparaissent aux yeux du public comme quelque peu vieillissant. La faute à deux nouveaux entrant sur les rails du Réseau Ferré National.

Les voitures corails mises en service à partir du milieu des années 70 et le TGV en 1981, donnèrent un sacré coup de vieux à ces braves EAD. Leur confort fut alors fortement remis en cause par les usagers de la SNCF désormais habitués à mieux. Ceux-ci descendant parfois des ces rames ultra-modernes pour poursuivre et terminer leur voyage quelque part le long d'une ligne secondaire, avaient un peu de mal à se résigner à monter à bord d'un EAD pour se faire. Les Caravelles souffraient de la comparaison avec les nouvelles vedettes circulant sur le réseau ferré national. C'est alors, qu'une rénovation complète d'une bonne centaine d'EAD toute séries confondues fut décidée.

Si vous voulez mon avis, je trouve que les caravelles ont perdu beaucoup de leur charme au passage, mais bien sur, elles ont gagné en confort. Vous pouvez me dire ce que vous en pensez quand à vous, dans les commentaires.

A partir de 1987, 114 EAD subiront une modernisation lourde. Leurs équipements intérieurs, mais aussi leur aspect extérieur seront assez profondément affectés, modifiant jusqu'à leur allure générale. L'avant et les baies frontales sont remplacés par des boucliers renforcés et beaucoup plus aérodynamiques. Ils prennent l'aspect des Rames Réversibles Régional et autres RIO modernisées. Mais ces transformations profondes seront assez vites critiquées, car elles alourdissaient les engins de manière conséquente, alors qu'ils conservaient le même moteur déjà un peu limite. Au moins, ce qui ne changeait pas pour les conducteurs, c'est que modernisation ou non, il fallait passer tous les crans jusqu'au 8ème et dernier pour espérer atteindre la vitesse maximale, et encore, fallait-il être plutôt patient. Par conséquent d'autres EAD feront l'objet d'une modernisation plus légère, sans modification de la caisse ou ajout du bouclier à l'avant. Ce sera notamment le cas des autorails circulant dans les Pays de la Loire.

Mais il reste encore une série d'EAD dont je ne vous ai pas parlé : ce sont les RAP.

RAP veut dire Rames Automotrices Postales. Huit ont été mises en service en 1979, afin d'acheminer le courrier. Au départ de Paris Saint-Lazare, elles assuraient des services vers Evreux, Caen PTT, et Sotteville PTT. Au départ de Paris La Chapelle Evangile, vers Lezennes PTT et Lille-Flandres PTT. Compte-tenu de leur affectation particulière, elles seront dotées d'une numérotation spécifique dans la série XP (autorails postaux) 94000, de 94750 à 94757. La Poste décidant de basculer tout son trafic sur la route, ces engins seront retirés de ce service en 1994. 7 des 8 rames seront alors rachetées par la SNCF et viendront compléter après ré-aménagement complet, la série des X4750. Ils seront numérotées de X4797 à 4803. Elles seront utilisées pour l'exploitation du TER Lorraine à partir de 1996. La 8 ème, a été préservée.

Au chapitre des Caravelles un peu particulières, il y a celle qui a été transformée en TGV.

Oui, oui, vous avez bien entendu. A l'époque TGV voulait dire Turbotrain à Grande Vitesse, mais c'est bien l'ancêtre du TGV que nous connaissons aujourd'hui. Son prototype a été construit sur la base de la transformation de la caisse de la Caravelle numérotée 4365. Son avant a été totalement transformé pour le rendre plus aérodynamique, de nouveaux bogies lui ont été attribués, mais surtout son moteur a été changé, au profit de la turbine d'un hélicoptère. Sorti des ateliers en avril 1967, cet ovni dans le monde ferroviaire réalisera des essais à grande vitesse jusqu'en 1972. Cette campagne de tests s'achevant, la SNCF le transforma de nouveau en autorail commercial, qui était toutefois réservé pour des voyages spéciaux. A ce titre, son intérieur n'était aménagé que de fauteuils de première classe, et un équipement de restauration avait pris place.

A noter que ce n'est qu'à partir de ce moment là qu'il a perdu sa livrée rouge et crème. On peut par conséquent tout à fait considérer que c'est une caravelle qui a été le premier TGV français.

Sa nouvelle livrée annoncera celle des turbotrains : jaune orange et gris clair. Malheureusement sa sous exploitation conduira la SNCF à le radier dès 1984. Il sera alors expédié aux ateliers du Mans, où il servira à l'étude des futures faces frontales des EAD modernisés. Ayant sans doute beaucoup souffert de toutes ces transformations, il sera finalement ferraillé en 1990.

Une autre caravelle subira un sort quelque peu plus enviable, puisqu'elle existe toujours.

C'est l'X 4554, dont une éphémère entreprise envisageant de réaliser des voyages touristiques haut de gamme un peu de partout sur le réseau ferré national fera l'acquisition. Ses parties mécaniques entièrement révisées, son aménagement intérieur fut entièrement revu, et bien sur une livrée spécifique lui fut appliquée. L'entreprise qui s'appelait French Rail Cruise fit long feu, et cet autorail a pu être récupéré pour préservation et exploitation, par Le Train Touristique du Pays Cathare et du Fenouillèdes.

Modernisées ou non, une 60 aine de caravelles ont été vendues en Roumanie.

Dans ce pays, les chemins de fer ont été privatisés en 1998, et pour assurer des dessertes locales, des entreprises privées ont été constituées. Celles-ci ont voulu se tourner vers des engins automoteurs plus économiques que les rames tractées, pour assurer les dessertes dont elles avaient remporté l'appel d'offre. Mais, ce type de matériel étant inexistant dans le pays, c'est à l'étranger qu'elles sont allé le chercher. Trois entreprises ont ainsi fait le choix d'acquérir des EAD français allant des X 4300, 4500 et 4630 en état d'origine, à des versions de ces engins ayant subit une rénovation lourde ou légère.

Mais heureusement, quelques associations françaises se sont également lancées dans la préservation de caravelles.

La première fut QuercyRail qui organisait des circuits touristiques dans la vallée du Lot entre Cahors et Carjac ou Carjac et Capdenac. Pour renforcer son parc, elle fit l'acquisition de l'X4511 et de l'X4519. Mais après la fin de l'exploitation touristique de ces lignes, ces engins furent ferraillés. Le même sort a été réservé à l'X4506 attribué à l'association Viaduc 07, après sa liquidation. D'autres engins de la série, ont en revanche connu un sort plus enviable et se trouvent préservés par différentes associations aujourd'hui encore. C'est le cas du Train Touristique du Pays Cathare et du Fenouillèdes, et du Train Touristique du Centre Var qui en préservent plusieurs exemplaires. Il reste un X 4300, le numéro 95 au Train Thur Doller Alsace. Le Chemin de Fer Touristique du Sud des Ardennes préservent plusieurs X 4600 modernisés, l'ACTA à Venarey les Laumes, deux autres et le Chemin de Fer de la Vallée de l'Aa, deux derniers. Enfin, au Chemin de fer Touristique du Centre Var se trouve également l'X4903/4, le seul EAD à 3 caisses modernisé, préservé. Dernier élément Automoteur Diesel préservé, je vous en ai parlé tout à l'heure, c'est le 8 ème XP 94700, c'est à dire l'une des Rames Automotrices Postales, qui désormais entre les mains de l'Association des Anciens Ambulants Postaux dont le site est en cours de transfert entre Toulouse et Cahors, dans le cadre d'un projet de jumelage avec le musée de Saint-Géry dans le Lot.

Un projet dont j'aurais certainement l'occasion de vous reparler prochainement. D'ailleurs, si vous souhaitez découvrir toute une série de sites ferroviaires à visiter pourquoi pas dès cet été, je vous rappelle, la sortie toute prochaine de mon Guide du Tourisme et des Loisirs Ferroviaires édité par la Vie du Rail, qui contient pas loin de 1000 sites à visiter en France et dans les pays voisins. Vous pouvez dores et déjà le commander sur le site aiguillages.eu, pour en recevoir un exemplaire dédicacé sur simple demande, si vous le souhaitez. En attendant, je vous retrouve ici même la semaine prochaine, pour partager avec vous mes plus récentes découvertes ferroviaires.











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