Le Chemin de Fer de la Voie Sacrée
Bar-le-Duc (Lorraine)
Le Chemin de Fer de la Voie Sacrée Bar-le-Duc (Lorraine)
Transcription :
Je vous propose de faire connaissance avec la Suzanne et quelques autres personnages qui se sont mis sur leur 31, revêtant leurs plus belles tenues du siècle dernier. C'est que l'occasion était trop belle. Le chemin de Fer Historique de la voie Sacrée n'est pas encore ouvert au public, mais je vous emmène à son bord, en profitant d'une journée spéciale organisée par l'association pour préfigurer ses futures circulations. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !
Nous sommes à Bar-le-Duc en Lorraine, sur l'un des sites autrefois occupé par le "Meusien", un chemin de fer d'intérêt local dont la construction fut entreprise dès 1883 dans le cadre du plan Freycinet. Trois lignes à voie métrique furent construites dans le but de couvrir l'ensemble du département de la Meuse. L'exploitation de la première reliant Haironville à Triaucourt, fut concédée à une société qui tomba rapidement en faillite et fut reprise par une autre entreprise, celle d'un entrepreneur de travaux publics Charles Varinot, qui de son côté avait pris en charge la construction de la ligne reliant Rembercourt-aux-pots à Vaubécourt. Du coup, dans la région, ce train est aussi connu sous le nom de Chemin de fer Varinot. A la mort de celui-ci en 1891, ses gendres prirent sa succession et créèrent La Compagnie Meusienne de Chemin de Fer, qui construisit une 3ème ligne reliant Bar-le-Duc à Verdun, qui ne put être inaugurée qu'en 1895, les autorités militaires s'étant longtemps opposées à l'établissement d'une voie ferrée entre les deux villes. L'exploitation du réseau était assurée par des locomotives Corpet-Louvet pour l'essentiel, de type 021T, 030T et 031T. Très souvent les trains étaient mixtes, c'est à dire dédiés au transport de voyageurs et de marchandises. C'est d'ailleurs du trafic fret que la Compagnie Meusienne de Chemin de Fer tirait le plus gros de ses revenus. En conséquence, les voyageurs devaient se faire patients. Les manœuvres étaient nombreuses. Dans chacune des gares traversées, il s'agissait de détacher ou atteler des wagons en fonction de leur destination, et la vitesse commerciale d'exploitation des lignes s'en faisait ressentir. Elle se situait en moyenne autour de 12 km/h. Les passagers, malgré des conditions de voyage pas toujours très confortables, (il n'y avait ni chauffage, ni toilette à bord des voitures), étaient néanmoins nombreux à emprunter le "Meusien". Il le faisait pour leur travail, pour se rendre sur les marchés des villes alentours, mais aussi pour les loisirs. La jeunesse de l'époque fréquentant notamment les bals des environs.
En 1914, éclate la première guerre mondiale. Le Chemin de Fer Meusien se retrouve en première ligne, et dès la première bataille de la Marne intervenant quelques semaines après le début du conflit, en septembre 1914, il subit de nombreux dégâts. Le front se stabilise à proximité de Varennes en Argonne et de Verdun qu'il contourne. Cette place forte se retrouve de se fait en grande difficulté. Il n'est pas possible d'y acheminer facilement troupes, matériels, ravitaillement et munitions. Les deux grandes lignes qui transitent par la ville, sont coupées, ou placées sous le feu de l'ennemi. Le seul axe encore praticable est celui reliant Bar-le-Duc à Verdun, d'une part par un chemin plutôt malaisé, et d'autre part par la ligne à voie métrique. La route, ou plutôt ce chemin mal entretenu, n'est pas encore empierrée, et deux camions ne pourraient pas s'y croiser. Le réseau meusien est par conséquent réquisitionné le 1er décembre 1914. Toute l'année 1915 sera consacrée à l'amélioration de ses lignes. Un travail réalisé par le 5ème régiment du génie. Les lignes seront exploitées par la 10ème section de Chemin de fer de campagne. La plupart des gares servent alors de point de relais. Les régiments stationnés à proximité de l'une ou l'autre, viennent s'y approvisionner. Le ravitaillement s'y fait à flux tendu, et "Le Varinot" ne chôme pas.
En 1916, les Allemands attaquent Verdun. Les wagons de marchandise couverts sont alors aménagés pour le transport des blessés. Des chaînes sont tendues pour le support des brancards. Chaque rame pouvant en transporter jusqu'à 250, et sont accompagnés d'un médecin et de plusieurs infirmiers. Bar-le-Duc devient une ville hôpital. Sur le réseau, le matériel qui était jusqu'alors composé d'une 15 aine de locomotives et de 300 voitures et wagons est considérablement renforcé.
Ce sont maintenant 128 locomotives et 800 wagons qui assurent les allers-retours vers Verdun. Ils circulent jours et nuit, quasiment sans interruption. Il faut dire qu'à Verdun se trouvent 300 000 hommes. Le Meusien ne cessera de fonctionner jusqu'à la fin du conflit. Revenu à la vie civil, il sera employé pour le transport des matériaux nécessaires à la reconstruction, une tâche qui se poursuivra jusque dans le milieu des années 20. En 1923, croulant néanmoins sous un déficit d'exploitation de plus en plus difficile à maîtriser, la Compagnie Meusienne de Chemin de Fer, fusionne avec celle des chemins de fer économiques. Mais le sursis est de courte durée. La route grandement améliorée durant la guerre et connue aujourd'hui sous le nom de voie sacrée, finit par imposer sa loi. Le déclin est inéluctable. Et les lignes ferment une à une, la dernière en 1938.
Le matériel de l'ex-Meusien fut alors dispersé ou détruit. Une petite locomotive baptisée "La Suzanne", fut rachetée par une entreprise de travaux publics. Il semblerait que l'on en perde alors un peu à la trace. On la retrouve néanmoins en 1941 en Baie de Somme, ou elle renoue avec la vocation militaire qui avait été la sienne au temps de la Bataille de Verdun. Elle est affectée durant la seconde guerre mondiale à la construction du mur de l'Atlantique. Puis, elle est vendue à un ferrailleur qui ne la détruisit finalement pas. Ayant eu vent de la destinée de cette petite locomotive, l'Office du Tourisme de Bar-le-Duc en organisa le rapatriement en avril 1981. Et puis, plus rien. Ce n'est qu'un 1992 qu'un chantier d'insertion fut créé avec comme objectif la restauration et le classement comme monument historique de la Suzanne. Il fallut 16 ans, et 50 000 heures de travail pour restaurer la locomotive. Le chantier d'insertion ayant mené à bien sa mission, une nouvelle association est créée en 2010 pour envisager la suite : Le Chemin de Fer Historique de la Voie Sacrée. Il s'agirait maintenant de voire rouler la Suzanne, sur une partie du tracé de l'ancien Chemin de Fer Meusien. Et justement, en forêt de Massonge, à proximité de Bar-le-Duc, de belles traces de l'ancienne plateforme sont toujours visibles. Mieux même, des études montrent la faisabilité de la repose d'une voie sur 4 kilomètres 200.
Des pieds du quartier de ''la Fédération'' à Bar-le-Duc, à l'orée de la forêt de Massonge, au lieudit Saint-Christophe sur la commune de Vavincourt, les bénévoles de l'association se sont ainsi lancés dans un travail colossal de repose d'une voie, recevant pour cela l'aide des collectivités locales. En ce début du mois de juillet 2017, c'est précisément à l'attention de tous les partenaires impliqués dans le projet qu'une journée festive était organisée. Au programme circulation le matin, et visite de la Suzanne le reste de la journée. Seule la pluie n'était pas invitée, mais est tout de même venue tenter sans succès de perturber le bon déroulement des festivités. Elle n'aura réussi qu'à rallonger un peu le temps de parcours, en humidifiant juste ce qu'il faut le rail. A plusieurs reprises, les membres de l'équipe de conduite qui n'étaient pas sur au début de pouvoir aller jusqu'au bout du parcours, auront simplement dû se livrer à une ou deux marches arrière afin de reprendre de l'élan pour franchir les quelques rampes de la ligne, et au final tout s'est bien passé, et nous avons pu découvrir l'intégralité des 4k200 de voie, tels que les futurs passagers du Chemin de Fer Touristique de la Voie Sacrée pourront le faire très bientôt.
Maintenant que nous voici de retour à la gare, il est temps de nous intéresser également aux voitures et aux wagons que tractent la Suzanne. L'une d'entre elle, a été transformée en voiture salon. Il s'agit de la reconstitution imaginaire de ce à quoi aurait pu ressembler la vraie voiture salon que M. Varinot, le créateur du Chemin de Fer Meusien s'était fait construire, et à bord de laquelle Raymond Pointcarré aurait pris place à plusieurs reprises. Alors qu'il n'existe aucune image de cette voiture, les membres de l'association se sont efforcés de lui donner un aspect aussi vraisemblable que possible
Dans la voiture de 1887 apparaît un wagon-salon de M. Varinot. Ce wagon a aussi été utilisé par le Président Poincaré : on le mit à sa disposition, il était Président de la République, il était Président du Conseil, un personnage ! Et dans notre secteur, M. Poincaré, tout le monde se courbait devant lui et donc il l’a utilisé effectivement quelques fois pour ses déplacements, ce qui fait qu’on a dit : « tiens, ce serait bien de reconstituer ce wagon historique ».
Les autres voitures et wagons intégrés à la rame, sont en revanche d'authentique véhicules roulants de l'époque, restauré dans leur état contemporain à la guerre de 14-18.
On a le wagon-tombereau qui est un authentique wagon du Meusien, de 1892, on l’a retapé. Ensuite on s’est dit « si on veut évoquer la guerre de 14-18, il nous faut quand même du matériel qui ressemble à celui qui était en 14-18. On avait des wagons d’époque, on les a déshabillés, on a le châssis, et qui plus est ce sont des wagons qui ont peut-être tourné ici pendant la guerre parce qu’il y a eu 800 wagons qui ont été réquisitionné pour venir tourner ici. La première idée, puisqu’on en avait les plans, c’était de refaire une voiture meusienne, qui est un peu particulière comme vous l’avez vu.
Enfin pour compléter le convoi, lui a été adjoint un wagon marchandise transformé en ambulance.
Côté association du Chemin de Fer de la Voie Sacrée, tout était prêt pour être au rendez-vous des commémorations du centenaire de la bataille de la Marne, ou de celle de Verdun, malheureusement quelques contraintes administratives sont venues retarder la date d'ouverture de la ligne, et il faudra attendre encore quelques mois avant que la Suzanne ne puisse circuler en tête d'un train transportant des voyageurs. Mais sur place, on continue de s'activer.
Je pense que l’année prochaine, au mois de septembre la gare aura été construite, la gare et le dépôt. A l’autre bout là-bas où nous sommes allés à Saint-Christophe on va construire une (13 :45 ?) dans laquelle on va évoquer effectivement la guerre, les blessés, il va y avoir trois pièces, on a déjà du matériel qu’on va mettre dedans, et puis il ne faut pas que les gens se retrouvent là-bas en pleine nature à ne rien faire. Il y a quand même un côté touristique qui fait qu’on s’inscrit dans la démarche touristique de Bar-le-Duc et qui veut qu’on essaye de retenir un minimum les touristes. On sait bien qu’on n’est pas un site de villégiature mais bon ne serait-ce que garder les gens une nuit, deux nuits, aussitôt ça fait des revenus bien plus importants.
Après les multiples périples techniques ou financiers rencontrés sur leur chemin pour parvenir à ce résultat, il ne reste plus que quelques obstacles administratifs à dépasser pour que ce nouveau Chemin de Fer Touristique voit le jour. En attendant, la Suzanne se laisse visiter, tous les premiers samedis du mois d'avril à septembre, sur le site de sa future gare, Chemin du Varinot, à Bar-le-Duc.
Autour de ce projet de nouveau Chemin de Fer Touristique, c'est tout un ensemble d'animations qui seront proposées, autour du thème de la Grande Guerre bien sûr, mais aussi, des inventeurs Meusiens. Souhaitons à l'association d'aboutir prochainement dans ses démarches.
La semaine prochaine dans Aiguillages, nous nous rendrons en Belgique, pour visiter le Rail Miniature Mosan à Namur, nous découvrirons en particulier les 3 réseaux du club.
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