Le Train des Forts
(Uxegney - Vosges)
Le Train des Forts (Uxegney - Vosges)
Transcription :
C'est un tout nouveau train touristique que je vous propose de découvrir cette semaine. Il circule depuis l'an dernier tout près d'Epinal dans les Vosges, qui plus est dans un cadre assez exceptionnel puisqu'il s'agit de celui d'un fort militaire qui a été restauré par une équipe de passionnés. Un chemin de fer à bel et bien existé à cet endroit, les lignes établies lui faisaient même dépasser les 125 km de longueur, et si son histoire reste encore assez méconnue c'est qu'il n'a jamais été ouvert au transport de voyageurs, mais toujours réservé aux seuls besoins des militaires dans la région. Au passage, le Train des forts, c'est son nom, fait son entrée dans l'édition 2023 de mon Guide du Tourisme et des Loisirs Ferroviaires qui vient tout juste de paraître, je vous en parle dans un instant.
J'évoquerai également dans ce nouveau numéro l'histoire d'un certain Prosper Péchot un officier d'artillerie qui a mis au point les principes du chemin de fer en voie de 60 cm à usage militaire qui porte désormais son nom, le système de défense de la place d'Epinal qui ne comptait pas moins de 150 forts et le travail de l'ARFUPE, l'Association pour la Restauration du Fort d'Uxegney et de la Place d'Epinal qui travaille sur ce chantier depuis une 30 aine d'années. Bonjour et bienvenue dans Aiguillages !
C'est entre 1882 et 1884 que le fort d'Uxegney a été construit. II s'inscrivait dans la perspective de la mise en place d'une ligne de défense beaucoup plus vaste s'étendant de Belfort à Epinal, et de Toul à Verdun. L'Alsace et la Moselle étant devenues Allemandes à la suite du conflit de 1870, il s'agissait de redéfinir une nouvelle ligne de défense. Ce projet fut porté par le général Séré de Rivières qui le mènera à bien en une 10 aine d'années seulement. 150 forts, 40 ouvrages secondaires et 250 batteries d'artillerie seront ainsi établies dans les régions concernées. Le fort d'Uxegney faisant partie des 16 constituant la place d'Epinal. Il fut construit sur une hauteur dominant de près de 380 mètres la Vallée de l'Avière et avait pour mission de contrôler l'axe Epinal-Mirecourt, la voie ferrée Epinal-Nancy ainsi que le canal de l'Est. En forme de pentagone, délimité par un fossé, sa construction ne prendra que deux ans. Les systèmes d'armement évoluant néanmoins rapidement, il sera modernisé avant 1914, renforcé et doté de nouveaux équipements. Par chance, bien qu'ayant eu à traverser les deux conflits mondiaux, il est resté intact. L'armée française a continué à utiliser ce fort comme dépôt de munitions jusque dans les années 60, après quoi, elle le laissera à l'abandon et disparaître sous la broussaille en même temps qu'une bonne partie du reste de ce patrimoine historique toujours existant. Par endroit on retrouve assez facilement des traces de l'ancienne plate-forme du chemin de fer en voie de 60 cm qui permettait de relier par le train l'ensemble de ces bâtiments militaires, mais pour accéder de nouveau au fort, les bénévoles de l'ARFUPE, l'association qui a pris en charge sa préservation ont du dans un premier temps procéder à un très gros travail de débroussaillage, la forêt ayant quasiment repoussé sur le fort, le rendant à peu près inaccessible.
Une fois qu'ils ont réussi à le débarrasser de cette végétation luxuriante, les membres de l'association ont découvert un bâtiment en très bon état ayant même conservé une partie de ses équipements.
Après restauration de bon nombre d'entre eux, et le classement de l'édifice aux Monuments Historiques, ils ont ouvert le fort à la visite. C'est un dédale de galeries souterraines dans lesquelles vous serez amené à passer plus de deux heures en compagnie d'un guide qui vous laissera entrer dans les différentes pièces ou tout était organisé de manière à ce que la vie soit possible en totale autarcie. On y trouve des chambrées, une cuisine, une usine en capacité de produire l'électricité dont les équipements du fort avaient besoin pour fonctionner, et plusieurs pièces d'artillerie laissées en situation, dont l'unique exemplaire toujours en état de fonctionnement d'une tourelle à éclipse Galopin pour canon de 155 mm. Un dispositif mécanique ne pesant pas moins de 250 tonnes, qui avait été installé ici en 1912. Une sortie sur les toits de l'ouvrage vous permettra de vous approcher des coupoles cuirassées des tourelles et des observatoires, mais aussi de surveiller les manoeuvres du train se préparant à vous emmener pour une autre visite jusqu'au fort voisin de Bois-l'Abbé, en passant par d'autres constructions abritant des batteries d'artillerie annexes.
Et ce n'est pas une fantaisie, un train desservait bel et bien ce fort et le reliait à l'ensemble des autres constructions constituant le système de défense de la place d'Epinal. Un dispositif que l'on doit à un certain Prosper Péchot.
Prosper Péchot est né le 6 février 1849 à Rennes. Lors de la guerre de 1870, il sera mobilisé sur place et appelé à s'occuper de logistique et de transport. Des fonctions qui l'amèneront à s'intéresser plus particulièrement aux transports par voie ferrée encore balbutiant à l'époque. Alors que l'entreprise Decauville est créée en 1875, il s'en rapproche naturellement, se demandant si les trains légers de chantier produits par elle ne pourraient pas avoir une utilité dans le domaine militaire. Il en était à peu près convaincu et présenta en 1882 au ministre de la défense un mémoire sur l'application au service de l'artillerie dans l'attaque des places et autres circonstances de guerre des chemins de fer à voie étroite. Il se lança alors dans l'étude de matériels roulant ferroviaires qui permettraient d'armer et d'approvisionner les places fortes et sera conduit à déposer plusieurs brevets. Entre 1884 et 1888, il procédera à des essais grandeur nature à Toul où il recevra même la visite du ministre Charles de Freycinet. Ce sera la consécration de sa carrière. Séduit par ses propositions et les perspectives qu'elles laissent entrevoir, le ministre validera le système Péchot qui équipera progressivement les places fortes de Toul, Verdun, Belfort et Epinal. Le système Péchot, c'étaient des voies préfabriquées, pesant 9,5 kilo au mètre, montées sur des traverses métalliques. Elles existaient en coupons de rails droits ou courbes à différents rayons, de même qu'étaient disponibles des aiguillages et des plaques tournantes de différentes tailles. Mais aussi, du matériel roulant. Les bogies Péchot à 2, 3 ou 4 essieux pouvant être associés entre eux au moyen d'une traverse pivotante permettaient de déplacer des charges lourdes jusqu'à 24 tonnes. Le système Péchot c'était enfin une locomotive la Péchot-Bourdon, une plate-forme d'artillerie et différents types de wagons.
A Uxegney une toute petite partie des 125 km de la plate-forme en voie de 60 cm qui reliait l'ensemble des forts a été reconstruite par l'ARFUPE, sous l'impulsion de Pascal Durant, son actuel président, que je vous propose de rencontrer.
L'association a commencé sous convention avec l'autorité militaire, et puis donc les ouvrages militaires, celui-ci et celui de Bois l'Abbé qui est au bout de la ligne, ont été cédés par l'armée à la commune d'Uxegney. En fait, ça c'est fait il y a plus d'une trentaine d'années sous l'impulsion de personnalités locales qui connaissaient le site et se sont dit qu'il fallait impérativement préserver cet ouvrage là, compte-tenu de sa particularité et du coup, c'est il y a 33 ans que l'association s'est créée, s'est mise en place avec la préservation de cet ouvrage là qui était complètement enforesté. C'était la forêt vierge partout. Ça a mis une bonne vingtaine d'années pour arriver à bout sachant qu'il a fallut tour faire puisque ce que l'on a devant nous, c'est du neuf entre guillemets. On a récupéré du matériel, des matériaux, des rails, des traverses, du ballast, de quoi refaire la plateforme parce que on est en plate-forme complètement nouvelle. La voie ferrée initialement était en à côté de la route communale à côté. On a eu des opportunités avec des travaux routiers importants dans le secteur, qui ont permis de récupérer du terrain par la commune à l'époque, et de pouvoir mettre la voie ferrée en accotement. Il y a une partie, on est à quelques mètres voire décimètres par endroits de la plate-forme d'origine, et quand on est dans la forêt, alors là, la voie ferrée elle était en bord de route, mais on n'a pas voulu rester en bord de route, on avait l'opportunité de passer dans un ouvrage d'artillerie qui s'appelle une batterie, qui était connecté sur une de ses extrémités, et donc on est parti dans la forêt pour passer par cet ouvrage là.
Les trains qui circulent sur la ligne sont soit diesels soit à vapeur, la locomotive qui assure la traction de ces dernier est un prêt d'une association voisine a qui j'avais d'ailleurs également consacré un reportage il y a quelques années de cela sur cette chaîne, il s'agit du chemin de fer du Val de Passey, près de Nancy. La balade en train dure 1 heure, la visite du fort en prend le double, vous pouvez combiner les deux activités ou choisir de n'en faire qu'une, de quoi passer quoi qu'il en soit une bonne après-midi à Uxegney. En mai, juin et septembre, le site est ouvert tous les dimanches après-midi, en juillet et août tous les jours.
Vous retrouverez toutes ces précisions ainsi que plus de 700 autres idées de balades ferroviaires ou autour du train partout en France, dans la toute nouvelle édition de mon Guide du Tourisme et des Loisirs Ferroviaires qui est disponible dès aujourd'hui en avant première sur le site d'aiguillages, www.aiguillages.eu avec un « S » à la rubrique Aiguilloshop, un guide édité par La Vie du Rail, entièrement remis à jour et qui comprend cette année quelques pages dédiées à un état des lieux des locomotives historiques susceptibles de circuler en tête de trains spéciaux sur le Réseau Ferré National, des cartes enrichies en début de chapitres, et de nombreuses nouvelles idées de balades ferroviaires que j'ai pu débusquer au cours de l'année qui s'est écoulée. Vous pouvez me dire en commentaires si vous avez déjà eu connaissance des précédentes éditions de ce guide et ce que vous en avez pensé, et également si la saison prochaine, à partir de la rentrée de septembre, je continue à vous présenter sur cette chaîne d'autres associations exploitant des trains touristiques. Je Et je vous retrouve la semaine prochaine dès lundi sur la chaîne Aiguillages modélisme et ici même jeudi pour partager avec vous d'autres de mes découvertes ferroviaires.
Le Stanserhorn bahn
(Stans, Suisse)
Le Mont-Blanc Express
de Saint-Gervais à Vallorcine
Trains Suisses au sommet
Le Train Touristique
du Centre Var
- © Aiguillages 2024